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DE LA PRODUCTION DES RICHESSES.

Les réglemens sur l’aménagement des bois en France, qui, du moins dans plusieurs de leurs parties, sont peut-être indispensables au maintien de cette espèce de produit, paraissent à d’autres égards introduire des gênes décourageantes pour ce genre de culture, qui convient spécialement dans certains terrains, dans les sites montueux, qui est nécessaire pour avoir des pluies suffisantes, et qui néanmoins décline tous les jours.

Mais aucune industrie n’a été, quant à ses procédés, en proie à la manie réglementaire autant que celle qui s’occupe des manufactures.

L’objet de beaucoup de réglemens a été de réduire le nombre des producteurs, soit en le fixant d’office, soit en exigeant d’eux certaines conditions pour exercer leur industrie. C’est de là que sont nées les jurandes, les maîtrises, les corps d’arts et métiers. Quel que soit le moyen employé, l’effet est le même : on établit par là aux dépens du consommateur une sorte de monopole, de privilége exclusif dont les producteurs privilégiés se partagent le bénéfice. Ils peuvent d’autant plus aisément concerter des mesures favorables à leurs intérêts, qu’ils ont des assemblées légales, des syndics et d’autres officiers. Dans les réunions de ce genre, on appelle prospérité du commerce, avantage de l’état, la prospérité et l’avantage de la corporation ; et la chose dont on s’y occupe le moins, c’est d’examiner si les bénéfices qu’on se promet sont le résultat d’une production véritable, ou un impôt abusif levé sur les consommateurs, et qui n’est profitable aux uns qu’au détriment des autres.

C’est pourquoi les gens exerçant une profession quelconque, sont ordinairement portés à solliciter des réglemens de la part de l’autorité publique ; et l’autorité publique, y trouvant toujours de son côté l’occasion de lever de l’argent, est fort disposée à les accorder.

Les réglemens, d’ailleurs, flattent l’amour-propre de ceux qui disposent du pouvoir ; ils leur donnent l’air de la sagesse et de la prudence ; ils confirment leur autorité, qui paraît d’autant plus indispensable qu’elle est plus souvent exercée. Aussi n’existe-t-il peut-être pas un seul pays en Europe où il soit loisible à un homme de disposer de son industrie et de ses capitaux selon ses convenances ; dans la plupart, on ne peut changer de place et de profession à son gré. Il ne suffit pas qu’on ait la volonté et