Page:Say - Traité d’économie politique.djvu/194

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
193
DE LA PRODUCTION DES RICHESSES.

cas où elles sont absolument nécessaires, n’y a-t-il aucun moyen plus simple de l’obtenir ?

La longueur de l’apprentissage ne garantit pas mieux la perfection de l’ouvrage : c’est l’aptitude de l’ouvrier et un salaire proportionné au mérite de son travail, qui seuls garantissent efficacement cette perfection. « Il n’est point de profession mécanique, dit Smith, dont les procédés ne puissent être enseignés en quelques semaines, et pour quelques-unes des plus communes, quelques jours sont suffisans. La dextérité de la main ne peut, à la vérité, être acquise que par une grande pratique ; mais cette pratique elle-même ne s’acquerrait-elle pas plus promptement, si un jeune homme, au lieu de travailler comme apprenti, c’est-à-dire de force, nonchalamment et sans intérêt, était payé selon le mérite et la quantité de son ouvrage, sauf par lui à l’embourser au maître les matériaux que son inexpérience ou sa maladresse gâterait[1] ? » en commençant un an plus tard, et en consacrant cette année aux écoles d’enseignement mutuel, j’ai peine à croire que les produits fussent moins parfaits, et, à coup sûr, la classe ouvrière serait moins grossière.

Si les apprentissages étaient un moyen d’obtenir des produits plus parfaits, les produits de l’Espagne vaudraient ceux de l’Angleterre. N’est-ce pas depuis l’abolition des maîtrises et des apprentissages forcés, que la France a réussi à atteindre des perfectionnemens dont elle était bien loin avant cette époque ?

De tous les arts mécaniques, le plus difficile peut-être est celui du jardinier et du laboureur, et c’est le seul qu’on permette partout d’exercer sans apprentissage. En recueille-t-on des fruits moins beaux et des légumes moins abondans ? S’il y avait un moyen de former une corporation de cultivateurs, on nous aurait bientôt persuadé qu’il est impossible d’avoir des laitues bien pommées et des pêches savoureuses, sans de nombreux réglemens composés de plusieurs centaines d’articles.

Enfin ces réglemens, en les supposant utiles, sont illusoires du moment qu’on peut les éluder ; or, il n’est pas de ville manufacturière où l’on ne soit dispensé de toutes les épreuves avec de l’argent ; et elles deviennent ainsi, non-seulement une garantie inutile, mais une occasion de passe-droits et d’injustices ; ce qui est odieux.

Ceux qui soutiennent le système réglementaire, citent, à l’appui de leur

  1. Rich. des Nat., livre I, chap. 10.