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DE LA PRODUCTION DES RICHESSES.

tion, il peut, pendant la durée de son brevet, en porter le prix fort au-dessus de ce qui serait nécessaire pour le rembourser de ses avances avec les intérêts, et pour payer les profits de son industrie. C’est une récompense que le gouvernement accorde aux dépens des consommateurs du nouveau produit ; et dans un pays aussi prodigieusement productif que l’Angleterre, et où, par conséquent, il y a beaucoup de gens à gros revenus et à l’affût de tout ce qui peut leur procurer quelque nouvelle jouissance, cette récompense est souvent très-considérable.

Un brevet d’invention (patent) en faveur d’Arkwright, l’inventeur des machines à filer en grand le coton, lui procura, vers 1778, une immense fortune. Il y a peu d’années qu’un homme inventa un ressort en spirale, qui, placé entre les courroies des soupentes des voitures, en adoucit singulièrement les secousses. Un privilége exclusif, pour un si mince objet, a fait la fortune de cet homme.

Qui pourrait raisonnablement se plaindre d’un semblable privilége ? Il ne détruit ni ne gêne aucune branche d’industrie précédemment connue. Les frais n’en sont payés que par ceux qui le veulent bien ; et quant à ceux qui ne jugent pas à propos de les payer, leurs besoins, de nécessité ou d’agrément, n’en sont pas moins complètement satisfaits qu’auparavant.

Cependant, comme tout gouvernement doit tendre à améliorer sans cesse le sort de son pays, il ne peut pas priver à jamais les autres producteurs de la faculté de consacrer une partie de leurs capitaux et de leur industrie à cette production, qui, plus tard, pouvait être inventée par eux ; ni priver long-temps les consommateurs de l’avantage de s’en pourvoir au prix où la concurrence peut la faire descendre. Les nations étrangères, sur lesquelles il n’a aucun pouvoir, admettraient sans restriction cette branche d’industrie, et seraient ainsi plus favorisées que la nation où elle aurait pris naissance.

Les anglais, qui en cela ont été imités par la France[1], ont donc fort sagement établi que de tels priviléges ne durent qu’un certain nombre d’années, au bout desquelles la fabrication de la marchandise qui en est l’objet, est mise à la disposition de tout le monde.

Quand le procédé privilégié est de nature à pouvoir demeurer secret, le même acte statue que, le terme du privilége expiré, il sera rendu pu-

  1. Voyez les lois du 7 janvier et 23 mai 1791, du 20 septembre 1792, et l’arrêté du gouvernement du 5 vendéminaire an IX.