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LIVRE PREMIER. — CHAPITRE XVIII.

une diplomatie, une cour, et des armées ruineuses, sont des circonstances fâcheuses aussi, et qui pèsent sur le cultivateur plus que sur le manufacturier. Il faut bien rétablir, par un abus, l’équilibre naturel rompu par d’autres abus ; autrement tous les laboureurs se changeraient en artisans, et l’existence du corps social deviendrait trop précaire.

CHAPITRE XVIII.

Si le gouvernement augmente la richesse nationale en devenant producteur lui-même.

Une entreprise industrielle quelconque donne de la perte, lorsque les valeurs consommées pour la production, excèdent la valeur des produits[1]. Que ce soient les particuliers ou bien le gouvernement qui fasse cette perte, elle n’en est pas moins réelle pour la nation ; c’est une valeur qui se trouve de moins dans le pays.

Ce serait en vain qu’on prétendrait que, tandis que le gouvernement y perd, les agens, les hommes industrieux, les ouvriers qu’il emploie, y ont gagné. Si l’entreprise ne se soutient pas par elle-même, ne paie pas ses frais, le déficit qui en résulte est nécessairement payé par ceux qui fournissent aux dépenses des gouvernemens : par les contribuables. Il convient que des producteurs soient payés par leurs produits, et non pas soutenus par une contribution gratuite[2].

La manufacture de tapisseries des Gobelins, qui est entretenue par le gouvernement de France, consomme des laines, des soies, des teintures ; elle consomme la rente de son local, l’entretien de ses ouvriers ; toutes choses qui devraient être remboursées par ses produits, et qui sont loin

  1. Il ne faut pas perdre de vue que la consommation de la valeur des services productifs, qui se fait dans la production, est une consommation aussi réelle que la consommation qui se fait des matières premières. Les services productifs comprennent les services rendus par les capitaux, aussi bien que ceux qui sont rendus par l’industrie.
  2. Si le gouvernement consacre à ses entreprises des revenus qui lui sont propres, comme le produit des domaines, la perte n’existe pas moins, et même elle ne retombe pas moins sur les peuples ; car si une partie du produit des domaines n’était pas consacré à cet usage, ce serait autant de moins qu’on aurait à lever sur les contribuables.