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DE LA PRODUCTION DES RICHESSES.

la monnaie, qui, sans être monnaie eux-mêmes, font un effet pareil à la multiplication des unités monétaires, parce qu’ils satisfont aux mêmes besoins.

Dans les monnaies métalliques, le métal le plus précieux est le seul qui soit compté comme ayant une valeur intrinsèque ; l’alliage ne conserve aucune valeur, parce que si l’on voulait en faire le départ, il ne vaudrait pas les frais de l’opération[1].

La monnaie en circulation dans un pays, quelle que soit sa matière, ayant une valeur qui lui est propre, une valeur qui naît de ses usages, fait partie des richesses de ce pays, aussi bien que le sucre, l’indigo, le froment, et toutes les marchandises qui sont en sa possession[2]. Elle varie de valeur comme les autres marchandises, et se consomme comme elles, quoique plus lentement que la plupart d’entre elles. On ne saurait donc approuver la manière dont la représente Germain Garnier, lorsqu’il dit que « tant que l’argent reste sous la forme de monnaie, il n’est pas proprement une richesse, dans le sens strict de ce mot, puisqu’il ne peut directement et immédiatement satisfaire un besoin ou une jouissance. » Une foule de valeurs ne sont pas susceptibles de satisfaire un besoin ou une jouissance sous leur forme actuelle. Un négociant possède un magasin entier rempli d’indigo qui ne peut servir en nature, ni à nourrir, ni à vêtir, et qui n’en est pas moins une richesse ; richesse qu’il transformera, dès qu’il le voudra, en une autre valeur immédiatement propre à l’usage. L’argent en écus est donc une richesse aussi bien que l’indigo en caisses. D’ailleurs la monnaie, par ses usages, ne satisfait-elle pas un des besoins des nations civilisées ?

  1. Dans notre monnaie d’argent actuelle, il y a un dixième de cuivre sur neuf dixièmes d’argent fin ; la valeur du cuivre est à celle de l’argent environ comme 1 est à 80. La valeur du cuivre contenu dans notre monnaie d’argent est donc à peu près la huit centième partie de la valeur totale de nos pièces d’argent : cinq huitièmes de centime sur 5 francs. En supposant qu’on voulût en séparer le cuivre, il ne paierait pas les frais de départ, sans parler du prix de la façon de la monnaie qu’on perdrait. On le compte donc pour rien dans l’évaluation de la monnaie. On ne voit dans une pièce de 5 francs que 22 1/2 grammes d’argent fin qui s’y trouvent, quoique son poids total soit de 25 grammes, le cuivre compris.
  2. Il est ici question de la valeur réelle de la monnaie déterminée par la quantité des choses qu’elle peut acheter. Quand les unités monétaires sont en nombre double, cette portion de richesses n’est pas double, si la valeur des unités monétaires a décliné.