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DE LA PRODUCTION DES RICHESSES.

circonstances les plus propres à la faire varier, telles que les changemens survenus dans sa composition, ou bien sa multiplication plus ou moins considérable.

Ainsi, quand Philippe Ier, roi de France, mêla un tiers d’alliage dans la livre d’argent de Charlemagne, qui pesait 12 onces d’argent[1], et qu’il appela du même nom de livre un poids de 8 onces d’argent fin seulement, il crut néanmoins que sa livre valait autant que celle de ses prédécesseurs. Elle ne valut cependant que les deux tiers de la livre de Charlemagne. Pour une livre de monnaie, on ne trouva plus à acheter que les deux tiers de la quantité de marchandise que l’on avait auparavant pour une livre. Les créanciers du roi et ceux des particuliers ne retirèrent plus de leurs créances que les deux tiers de ce qu’ils devaient en retirer ; les loyers ne rendirent plus aux propriétaires ce biens-fonds que les deux tiers de leur précédent revenu, jusqu’à ce que de nouveaux contrats remissent les choses sur un pied plus équitable.

On commit et l’on autorisa, comme on voit, bien des injustices ; mais on ne fit pas valoir une livre de 8 onces d’argent pur autant qu’une livre de 12 onces[2].

Dans l’année 1113, ce qu’on appelait livre ne contenait plus que six onces d’argent fin ; au commencement du règne de Louis VII, elle ne contenait plus que 4 onces. Saint-Louis appela du nom de livre une quantité d’argent pesant 2 onces 6 gros 6 grains[3]. Enfin, à l’époque de la révolution française, ce qu’on appelait du même nom n’était plus que la sixième partie d’une once ; tellement que la livre tournois n’avait plus que la 72e partie de la quantité d’argent fin qu’elle contenait du temps de Charlemagne.

  1. La livre de poids était de 12 onces au temps de Charlemagne.
  2. Suivant ce qui a été dit au chapitre 23, on serait fondé à croire que la valeur de la livre, qui contenait 8 onces d’argent fin, devait conserver la même valeur, pourvu qu’on n’augmentât pas la quantité de la monnaie frappée. Mais comme l’élévation du prix des marchandises suivit la dégradation des espèces, on peut présumer que le gouvernement, pour tirer parti de ses opérations monétaires, ordonnait des refontes, et avec huit pièces d’argent en fesait 12, en augmentant l’alliage. L’augmentation dans la quantité suivait la diminution du titre ; autrement le gouvernement n’aurait rien gagné à altérer le titre.
  3. On voit, dans les Prolégomènes de Le Blanc, page 25, que le sou d’argent de saint Louis pesait 1 gros 7 1/2 grains, ce qui, multiplié par 20, fait bien pour la livre 2 onces 6 gros 6 grains.