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LIVRE SECOND. — CHAPITRE III.

En corrigeant les unes par les autres les données plus ou moins imparfaites qu’il a été possible de recueillir sur le prix en argent du blé jusqu’à la fin du quinzième siècle, nous aurons, pour tous les temps qui ont précédé la découverte du nouveau-monde, un prix commun de 268 grains d’argent fin pour l’hectolitre de froment. Il en faut donner aujourd’hui six fois autant ; d’où nous pouvons conclure que la valeur propre de l’argent a décliné dans la proportion de six à un[1].

Si, par suite de la dépréciation de l’argent, sa valeur relativement au blé est devenue six fois moindre, il ne faut pas croire qu’elle ait changé dans la même proportion relativement à toutes les autres marchandises. S’il y en avait qui fussent devenues six fois moins chères, de même que l’argent, la valeur relative de l’argent et de ces marchandises-là serait demeurée la même. C’est ce qui est arrivé au métal d’or ; car il paraît que l’on donnait autrefois comme aujourd’hui 15 parties d’argent pur, ou à peu près, pour une d’or pur[2] : ce qui suffit pour établir que la dépréciation de l’or a été la même que celle de l’argent, et que tout ce que j’ai dit du premier de ces métaux peut aussi s’appliquer au second.

Il est probable qu’il est arrivé quelque chose de pareil à l’égard des épiceries, que nous tirons des îles de l’Asie à beaucoup meilleur marché

  1. Garnier, qui a fait des recherches fort étendues sur les monnaies des anciens, arrive au même résultat par des calculs différens. Il montre que chez les anciens l’argent achetait 6,000 fois son poids en blé, tandis que chez nous il n’achète qu’environ mille fois son poids. (Voyez son Histoire des Monnaies, tome II, p. 328 et 355.)
    Dans les premières éditions de ce Traité, j’avais cru pouvoir établir que l’argent avait baissé seulement dans le rapport de 4 à 1. Le nouveau résultat que j’annonce tient d’abord au choix des nouvelles données que j’ai prises pour bases, et qui me semblent meilleures, et de plus à la grande dépréciation de l’argent depuis 1789, époque où je m’étais arrêté pour le prix du blé dans les temps modernes, n’ayant pas alors de données pour établir un prix commun plus récent.
  2. Dans les premières éditions de cet ouvrage, j’avais admis, d’après Adam Smith, l’abbé Barthélemy et d’autres, que le rapport de l’or à l’argent, chez les anciens, était comme 12 à 1. Depuis ce temps, Garnier, dans son Histoire des Monnaies (tome I, page 114 ; et tome II, page 82 et suivantes), a combattu Barthélemy et les autres antiquaires qui paraissent n’avoir pas tenu assez de compte de l’alliage de l’or qui leur servait de point de comparaison. Les raisons de Garnier m’ont semblé prépondérantes, et elles établissent la proportion de 15 à 1. Le même auteur a reproduit les mêmes preuves et leurs longs développemens dans ses notes ajoutées à la traduction de Smith : deuxième édition, 1822, tom. V, p. 632 et 649.