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LIVRE SECOND. — CHAPITRE IV.

car les richesses sociales sont les biens dont on a la possession exclusive : or, on n’a rien là où la possession n’est pas reconnue et garantie, là où la propriété n’existe pas de fait.

Il n’est pas nécessaire, pour étudier la nature et la marche des richesses sociales, de connaître l’origine des propriétés, ou leur légitimité. Que le possesseur actuel d’un fonds de terre, ou celui qui le lui a transmis, l’aient eu à titre de premier occupant, ou par une violence, ou par une fraude, l’effet est le même par rapport au revenu qui sort de ce fonds.

On peut seulement remarquer que la propriété du fonds que nous avons nommé facultés industrielles, et la propriété de ceux qui composent nos capitaux, a quelque chose de plus incontestable et de plus sacré que la propriété des fonds de terre. Les facultés industrielles d’un homme, son intelligence, sa force musculaire, son adresse, sont des dons que la nature a faits incontestablement à lui et à nul autre. Et quant à ses capitaux, à ses accumulations, ce sont des valeurs qu’il a épargnées sur ses consommations. S’il les eût consommées, détruites, elles n’auraient jamais été la propriété de personne ; nul ne peut donc avoir des droits sur elles. L’épargne équivaut à la création, et la création donne un droit incontestable.

Les fonds productifs sont, les uns aliénables comme les terres, les ustensiles des arts ; les autres non, comme les facultés personnelles. Les uns peuvent se consommer, comme les capitaux mobiliers ; les autres ne peuvent pas se consommer, comme les biens-fonds. D’autres ne s’aliènent pas, ne se consomment pas, à proprement parler ; mais ils peuvent se détruire, comme les talens qui meurent avec l’homme.

Les valeurs mobilières qui servent à la production sont incessamment consommées et ne demeurent fonds productifs, ne se perpétuent, que par la reproduction. La consommation qu’on en fait dans les opérations productives, n’est qu’une avance.

Quoique les richesses d’un particulier se composent aussi bien de ses revenus que de ses fonds productifs, on ne le considère pas comme altérant sa fortune lorsqu’il consomme ses revenus, pourvu qu’il n’entame par ses fonds. C’est que les revenus consommés peuvent être remplacés à mesure, puisque les fonds conservent à perpétuité, tant qu’ils existent, la faculté de donner de nouveaux produits.

La valeur courante des fonds productifs susceptibles de s’aliéner s’établit sur les mêmes principes que la valeur de toutes les autres choses, c’est-à-dire en proportion de l’offre et de la demande. Il convient seulement de remarquer que la quantité demandée ne peut avoir pour motif la