Page:Say - Traité d’économie politique.djvu/375

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
374
LIVRE SECOND. — CHAPITRE VII.

pétue ; elle décroît en nombre, et les élèves des autres classes, dont les travaux diminuent dans la même proportion, refluent dans les classes immédiatement inférieures. Quand la prospérité augmente, au contraire, les classes inférieures, non-seulement se recrutent avec facilité elles-mêmes, mais fournissent aux classes immédiatement supérieures de nouveaux élèves, dont quelques-uns, plus heureux et doués de quelques qualités plus brillantes, prennent un vol encore plus hardi, et se placent fréquemment dans les stations les plus élevées de la société.

La main-d’œuvre des gens qui ne vivent pas uniquement de leur travail, est moins chère que celle des ouvriers en titre. Ils sont nourris ; le prix de leur travail n’est donc point, pour eux, réglé sur la nécessité de vivre. Il y a telle fileuse dans certains hameaux, qui ne gagne pas la moitié de sa dépense, bien que sa dépense soit modique ; elle est mère ou fille, sœur, tante ou belle-mère d’un ouvrier qui la nourrirait quand même elle ne gagnerait absolument rien. Si elle n’avait que son travail pour subsister, il est évident qu’il faudrait qu’elle en doublât le prix ou qu’elle mourût de faim ; en d’autres termes, que le travail fût payé le double ou n’eût pas lieu.

Ceci peut s’appliquer à tous les ouvrages des femmes. En général, ils sont fort peu payés, par la raison qu’un très-grand nombre d’entre elles sont soutenues autrement que par leur travail, et peuvent mettre dans la circulation le genre d’occupations dont elles sont capables, au-dessous du taux où le fixerait l’étendue de leurs besoins.

On en peut dire autant du travail des moines et des religieuses. Dans les pays où il y en a, il est fort heureux pour les vrais ouvriers qu’il ne se fabrique que des futilités dans les cloîtres ; car s’il s’y fesait des ouvrages d’une industrie courante, les ouvriers dans le même genre qui ont une famille à soutenir, ne pourraient point donner leur ouvrage à si bas prix sans périr de besoin.

Le salaire des ouvriers de manufactures est souvent plus fort que celui des ouvriers des champs ; mais il est sujet à des vicissitudes fâcheuses. Une guerre, une loi prohibitive, en fesant cesser tout à coup certaines demandes, plonge dans la détresse les ouvriers qui étaient occupés à les satisfaire. Un simple changement de mode devient une fatalité pour des classes entières. Les cordons de souliers substitués aux boucles, plongèrent dans la désolation les villes de Sheffield et de Birmingham[1].

  1. Malthus, Essai sur la population, 5e édit., liv. III, ch. 15.