Page:Say - Traité d’économie politique.djvu/390

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
389
DE LA DISTRIBUTION DES RICHESSES.

sûres, que ses rentrées n’aient jamais manqué d’arriver avant ses échéances : or, cette habileté, cette prudence, sont encore de fort bons garans pour l’avenir. Voilà pourquoi un négociant à qui il est arrivé de manquer à un de ses engagemens, ou qui seulement a hésité à le remplir, perd tout crédit.

Enfin la bonne administration du pays où réside le débiteur, diminue les risques du créancier, et par conséquent la prime d’assurance qu’il est obligé de se ménager pour couvrir ses risques. Le taux de l’intérêt hausse toutes les fois que les lois et l’administration ne savent pas garantir l’exécution des engagemens. C’est bien pis lorsqu’elles excitent à les violer, comme dans le cas où elles autorisent à ne pas payer ; où elles ne reconnaissent pas la validité des obligations contractées de bonne foi.

Les contraintes établies contre les débiteurs insolvables, ont presque toujours été regardées comme contraires à ceux qui ont besoin d’emprunter : elles leur sont favorables. On prête plus volontiers, et à meilleur marché, là où les droits du prêteur sont plus solidement appuyés par les lois. C’est d’ailleurs un encouragement à la formation des capitaux : dans les lieux où l’on ne croit pas pouvoir disposer avec sûreté de son épargne, chacun est fort enclin à consommer la totalité de son revenu. Peut-être faut-il chercher dans cette considération l’explication d’un phénomène moral assez curieux ; c’est cette avidité de jouissances qui se développe ordinairement avec fureur dans les temps de troubles et de désordres[1].

En parlant de la nécessité des contraintes envers les débiteurs, je ne prétends pas cependant recommander les rigueurs de l’emprisonnement : emprisonner un débiteur, c’est lui ordonner de s’acquitter et lui en ravir les moyens. La loi des Indous me semble plus sage ; elle donne au créancier le droit de saisir son débiteur insolvable, de l’enfermer chez lui, et de le faire travailler à son profit[2]. Mais quels que soient les moyens dont l’autorité publique se serve pour contraindre les gens à payer leurs dettes, ils sont tous inefficaces partout où la faveur peut parler plus haut que la loi : du moment que le débiteur est ou peut espérer de se mettre au-dessus

  1. Voyez la description de la peste de Florence, telle que M. de Sismondi la donne, d’après Boccace, dans son Histoire des républiques d’Italie. On a fait des observations pareilles à plusieurs des époques les plus terribles de la révolution française.
  2. Raynal, Histoire philosophique, liv. I, § 8.