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LIVRE SECOND. — CHAPITRE IX.

Ceux qui admettent cet argument ne font peut-être pas assez d’attention qu’on en peut dire autant de tous les services productifs et même du travail des mains. Si l’ouvrier pouvait ne pas se faire payer un salaire, le consommateur paierait le produit moins cher ; mais la production consiste à communiquer une utilité à une chose et à la communiquer au meilleur marché qu’il est possible. Or, la coopération du fonds de terre remplit cette double condition. Son action est une opération chimique, d’où résulte, pour la matière du blé, une modification telle qu’avant de l’avoir subie, cette matière n’était pas propre à la nourriture de l’homme. Le sol est donc producteur d’une utilité, et lorsqu’il la fait payer sous la forme d’un profit foncier pour son propriétaire, ce n’est pas sans rien donner en échange au consommateur ; ce que paie ce dernier n’est point une valeur qui passe gratuitement d’une main dans une autre ; le consommateur achète une utilité produite, et c’est parce que la terre produit cette utilité qu’elle est productive aussi bien que le travail.

Il est vrai qu’elle pourrait ainsi que le vent, fournir son action sans en exiger le salaire ; mais la terre diffère du vent en ceci, que son action ne peut se déployer que par des avances dont nul homme ne voudrait courir les risques, s’il n’était assuré d’en recueillir les fruits. Si les terres n’étaient pas des propriétés exclusives, aurions-nous leurs produits à meilleur marché ? Non, certes ; car nous ne les aurions pas du tout ; ce qui équivaut à un prix bien plus élevé. L’appropriation donne donc aux terres une qualité utile. Or, c’est l’usage de cette qualité que le propriétaire foncier se fait payer. Il en résulte une dépense de production que l’on peut nommer indispensable ; et les frais de production indispensables étant la limite la plus basse du prix des produits, les profits fonciers sont une partie nécessaire de ce prix et la source d’un légitime revenu pour les propriétaires.

Ces controverses, dont je n’ai pu me dispenser de parler, uniquement parce qu’on en a beaucoup parlé, et sur lesquelles on a écrit, surtout en Angleterre, des volumes, ont à mes yeux fort peu d’importance. Elles dégénèrent aisément en des disputes de mots qui les font ressembler un peu trop aux argumentations des écoles du moyen âge. Leur plus grave inconvénient est d’ennuyer le lecteur, et de lui faire croire que les vérités de l’économie politique ont pour fondement des abstractions sur lesquelles il est impossible de se mettre d’accord. Heureusement il n’en est point ainsi : elles reposent sur des faits qui sont ou ne sont pas. Or, on peut, dans la plupart des cas, parvenir à dévoiler entièrement un fait ; on peut