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LIVRE TROISIÈME. — CHAPITRE IV.

commencer une opération nouvelle ; un plus grand nombre de semblables opérations productives pouvant dès-lors avoir lieu chaque année, plus de profits peuvent être distribués aux producteurs de tous grades. Cela est très-vrai ; mais c’est encore un conseil à donner aux producteurs et non pas aux consommateurs. On peut dire aux premiers : produisez des objets tels qu’ils conviennent aux besoins naturels et aux habitudes de votre nation et de votre époque, et ils ne resteront pas long-temps en magasin, pourvu que les consommateurs, de leur côté, produisent de quoi les acquérir.

Le seul avantage de la consommation stérile ne consiste donc que dans le plus ou le moins de satisfaction qui résulte de la consommation elle-même, et c’est à cet examen que nous soumettrons, dans ce chapitre, les consommations improductives, quelles qu’elles soient, et en particulier, dans les chapitres suivans, les consommations privées et les consommations publiques. Il ne s’agit plus que de comparer la perte qui, pour le consommateur, résulte de sa consommation, avec la satisfaction qui lui en revient. Du jugement sain ou faux qui apprécie cette perte et la compare avec la satisfaction obtenue, découlent les consommations bien ou mal entendues, c’est-à-dire, ce qui, après la production réelle des richesses, influe le plus puissamment sur le bonheur ou le malheur des familles et des nations.

Sous ce rapport, les consommations les mieux entendues seront :

1o Celles qui satisfont des besoins réels. Par besoins réels, j’entends ceux à la satisfaction desquels tiennent notre existence, notre santé et le contentement de la plupart des hommes : ils sont opposés à ceux qui proviennent d’une sensualité recherchée, de l’opinion et du caprice. Ainsi les consommations d’une nation seront, en général, bien entendues, si l’on y trouve des choses commodes plutôt que splendides : beaucoup de linge et peu de dentelles ; des alimens abondans et sains, en place de ragoûts recherchés ; de bons habits et point de broderies. Chez une telle nation, les établissemens publics auront peu de faste et beaucoup d’utilité ; les indigens n’y verront pas des hôpitaux somptueux, mais ils y trouveront des secours assurés ; les routes ne seront pas deux fois trop larges, mais les auberges seront bien tenues ; les villes n’offriront peut-être pas de si beaux palais, mais on y marchera en sûreté sur des trottoirs.

Le luxe d’ostentation ne procure qu’une satisfaction creuse ; le luxe de commodité, si je peux m’exprimer ainsi, procure une satisfaction réelle. Ce dernier est moins cher, et par conséquent il consomme moins.