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DISCOURS

Combien d’autres opinions bien régnantes, bien respectées, passeront de même ! Il y a quelque chose d’épidémique dans les opinions des hommes ; ils sont sujets à être attaqués de maladies morales dont l’espèce entière est infectée. Il vient des époques où, de même que la peste, la maladie s’use et perd d’elle-même sa malignité ; mais il faut du temps. À Rome, on consultait les entrailles des victimes, trois cents ans encore après que Cicéron avait dit que deux augures ne pouvaient déjà plus se regarder sans rire.

En voyant cette fluctuation d’opinions qui se succèdent, on serait tenté de ne plus rien admettre d’assuré, et de se jeter dans le doute universel ; on aurait tort. Les faits observés à plusieurs reprises par des hommes en état de les voir sous toutes leurs faces, une fois qu’ils sont bien constatés et bien décrits, sortent du domaine de l’opinion pour entrer dans celui de la vérité. Quelle que soit l’époque où l’on ait montré que la chaleur dilate les corps, cette vérité n’a pu être ébranlée. Les sciences morales et politiques offrent des vérités tout aussi incontestables, quoique d’une démonstration plus difficile ; et parmi ces sciences, l’économie politique est peut-être celle où l’on est parvenu à établir le plus de ces principes qui ont le caractère de la certitude. Les personnes qui les révoquent en doute sont demeurées étrangères aux élémens de cette science.

Certains écrivains sont doués de la déplorable facilité de faire des articles de journaux, des brochures et jusqu’à des volumes, sur des matières qu’ils n’entendent pas, même de leur aveu. Qu’arrive-t-il ? Ils répandent sur la science les nuages de leur esprit ; ils rendent obscur ce qui commençait à s’éclaircir ; le