de se procurer de pareilles jouissances ? Une sur cent mille tout au plus ; et il n’y en aura peut-être pas une sur mille, à qui il soit permis de jouir de ce qu’on appelle une honnête aisance. Partout on voit l’exténuation de la misère à côté de la satiété de l’opulence, le travail forcé des uns compenser l’oisiveté des autres, des masures et des colonnades, les haillons de l’indigence mêlés aux enseignes du luxe ; en un mot, les plus inutiles profusions au milieu des besoins les plus urgens.
Il y a sans doute dans l’état social des maux qui tiennent à la nature des choses, et dont il n’est pas permis de s’affranchir entièrement ; mais il y en a un grand nombre d’autres auxquels il est non-seulement possible, mais facile de remédier. On s’en convaincra en lisant plusieurs endroits de ce livre. Je pourrais ajouter même que beaucoup d’abus pourraient être corrigés chez presque toutes les nations, sans qu’il en coûtât le moindre sacrifice aux privilégiés qui en profitent, ou qui s’imaginent en profiter. Bien plus : il y a des changemens qui seraient dans les intérêts de tous, qu’aucun danger ne saurait accompagner, et qu’on repousse uniquement parce qu’on méconnaît à beaucoup d’égards l’économie des sociétés. La plupart des hommes ignorent la part importante qu’ils peuvent retirer des avantages communs à tous. Ils se défient des livres, parce qu’il y en a malheureusement plus de mauvais que de bons ; parce que ceux qui ne présentent que de vaines spéculations, au lieu d’offrir l’image du monde réel, ne conduisent qu’à des résultats douteux ; et enfin, parce qu’il s’en trouve qui paraissent inspirés par des vues personnelles plutôt que par l’amour du vrai et le désir du bien.
On a cru très-long-temps que l’économie politique était à l’usage seulement du petit nombre d’hommes qui règlent les affaires de l’état. Je sais qu’il importe que les hommes élevés en pouvoir soient plus éclairés que les autres ; je sais que les