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LIVRE TROISIÈME. — CHAPITRE VII.

cantons suisses avant la révolution, et dans l’Amérique septentrionale même avant son indépendance. Quoiqu’elles fussent sous la domination de l’Angleterre, on sait que les colonies de l’Amérique septentrionale avaient leur gouvernement à elles, dont elles supportaient les frais ; or, toutes les dépenses du gouvernement de ces provinces ne montaient, par année, qu’à la somme de 64,700 liv. sterl. (1,552,800 francs). « Exemple mémorable, dit Smith, qui montre avec combien peu de frais trois millions d’hommes peuvent être, non-seulement gouvernés, mais bien gouvernés[1]. »

Les causes purement politiques, et la forme du gouvernement qui en dérive, influent sur les frais de traitement des fonctionnaires civils et judiciaires, sur ceux de représentation, et enfin sur ceux qu’exigent les institutions et les établissemens publics. Ainsi, dans un pays despotique, où le prince dispose des biens de ses sujets, lui seul réglant son traitement, c’est-à-dire, ce qu’il consomme de deniers publics pour son utilité personnelle, ses plaisirs, l’entretien de sa maison, ce traitement peut être fixé plus haut que dans les pays où il est débattu entre les représentans du prince et ceux des contribuables.

Le traitement des magistrats subalternes dépend également, soit de leur influence particulière, soit du système général du gouvernement.

Les services qu’ils rendent sont coûteux ou à bon marché, non-seulement en proportion du prix qu’on les paie, mais encore selon que les fonctions sont moins bien ou mieux remplies. Un service mal rendu est cher, quoique fort peu payé ; il est cher s’il est peu nécessaire. Il en est de cela comme d’un meuble qui ne remplit pas bien l’office auquel il est destiné, ou dont on n’avait pas besoin, et qui embarrasse plutôt qu’il ne sert. Tels étaient, sous l’ancienne monarchie, les charges de grand-amiral, de grand-maître, de grand-échanson, de grand-veneur, et une foule d’autres qui ne servaient pas même à relever l’éclat de la couronne, et

  1. Il est vrai que la défense du pays, si ce n’est contre les sauvages, ne lui coûtait rien. Elle reposait sur les forces navales d’Angleterre. Dans un compte rendu par M. Galatin, secrétaire de la trésorerie des États-Unis, des recettes et des dépenses en 1806, on voit que le total des dépenses ne s’élève pas à 12 millions de dollars, sur lesquels 8 millions sont pour acquitter les intérêts de la dette publique ; restent donc 4 millions de dollars (un peu plus de 21 millions de notre monnaie) pour les frais de gouvernement de cette république à cette époque.