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DE LA PRODUCTION DES RICHESSES.

Cet excédant de prix est un argent qui passe de la bourse des consommateurs dans celle des négocians privilégiés, et qui n’enrichit les uns qu’en appauvrissant inutilement les autres exactement de la même somme.

De même, quand le gouvernement met sur le vin un impôt qui fait vendre 15 sous une bouteille qui sans cela se serait vendue 10 sous, que fait-il autre chose que faire passer, pour chaque bouteille, 5 sous de la main des producteurs ou des consommateurs de vin[1] dans celle du percepteur ? La marchandise n’est ici qu’un moyen d’atteindre plus ou moins commodément le contribuable, et sa valeur courante est composée de deux élémens, savoir : en premier lieu, sa valeur réelle fondée sur son utilité, et ensuite la valeur de l’impôt que le gouvernement juge à propos de faire payer pour la laisser fabriquer, passer ou consommer.

Il n’y a donc véritablement production de richesse que là où il y a création ou augmentation d’utilité.

Sachons comment cette utilité est produite.

CHAPITRE II.

Des différentes sortes d’industries, et comment elles concourent à la production.

Les objets que la nature ne livre pas tout préparés pour satisfaire nos besoins, peuvent y être rendus propres par notre industrie.

Lorsqu’elle se borne à les recueillir des mains de la nature, on la nomme industrie agricole, ou simplement agriculture.

Lorsqu’elle sépare, mélange, façonne les produits de la nature, pour les approprier à nos besoins, on la nomme industrie manufacturière[2].

Lorsqu’elle met à notre portée les objets de nos besoins qui n’y seraient pas sans cela, on la nomme industrie commerciale, ou simplement commerce.

C’est au moyen seulement de l’industrie que les hommes peuvent être

  1. Au troisième Livre de cet ouvrage, on verra quelle portion de cet impôt paie le producteur, et quelle portion le consommateur.
  2. Comme on ne peut transformer, mêler, séparer des matières que par des moyens mécaniques ou par des moyens physico-chimiques, tous les arts manufacturiers peuvent se ranger en deux classes, les arts mécaniques et les arts physico-chimiques, suivant que l’un ou l’autre de ces procédés domine dans les préparations.