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DE LA PRODUCTION DES RICHESSES.

2o on ne peut établir des machines sans beaucoup de travaux qui procurent de l’ouvrage aux gens laborieux dont elles peuvent détruire les occupations. Si l’on remplace par une machine hydraulique le travail des porteurs d’eau employés dans une grande ville, il faut, par exemple, donner, pour un temps du moins, de l’occupation aux ouvriers charpentiers, maçons, forgerons, terrassiers, qui construiront les édifices, qui poseront les tuyaux de conduite, les embranchemens, etc.

3o le sort du consommateur, et par conséquent de la classe ouvrière qui souffre, est amélioré par la baisse de la valeur du produit même, auquel elle concourait.

Au surplus, ce serait vainement qu’on voudrait éviter le mal passager qui peut résulter de l’invention d’une machine nouvelle, par la défense d’en faire usage. Si elle est avantageuse, elle est ou sera exécutée quelque part ; ses produits seront moins chers que ceux que vos ouvriers continueront à créer laborieusement ; et tôt ou tard leur bon marché enlèvera nécessairement à ces ouvriers leurs consommateurs et leur ouvrage. Si les fileurs de coton au rouet qui, en 1789, brisèrent les machines à filature qu’on introduisait alors en Normandie, avaient continué sur le même pied, il aurait fallu renoncer à fabriquer chez nous des étoffes de coton ; on les aurait toutes tirées du dehors ou remplacées par d’autres tissus ; et les fileurs de Normandie, qui pourtant finirent par être occupés en majeure partie dans les grandes filatures, seraient demeurés encore plus dépourvus d’occupation.

Voilà pour ce qui est de l’effet prochain qui résulte de l’introduction des nouvelles machines. Quant à l’effet ultérieur, il est tout à l’avantage des machines.

En effet, si, par leur moyen, l’homme fait une conquête sur la nature, et oblige les forces naturelles, les diverses propriétés des agens naturels, à travailler pour son utilité, le gain est évident. Il y a toujours augmentation de produit, ou diminution de frais de production. Si le prix vénal du produit ne baisse pas, cette conquête est au profit du producteur, sans rien coûter au consommateur. Si le prix baisse, le consommateur fait son profit de tout le montant de la baisse, sans que ce soit aux dépens du producteur.

D’ordinaire la multiplication d’un produit en fait baisser le prix : le bon marché en étend l’usage ; et sa production, quoique devenue plus expéditive, ne tarde pas à occuper plus de travailleurs qu’auparavant. Il n’est pas douteux que le travail du coton occupe plus de bras en Angleterre,