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LIVRE PREMIER. — CHAPITRE VIII.

rait son témoignage irrécusable ; car c’est dans les lieux où toutes les branches de l’industrie commerciale sont divisées entre plus de mains que le consommateur achète à meilleur marché. à qualités égales, on n’obtient pas dans un village une denrée venant de la même distance à un aussi bon prix que dans une grande ville ou dans une foire.

Le peu de consommation des bourgs et villages, non-seulement oblige les marchands à y cumuler plusieurs occupations, mais elle est même insuffisante pour que la vente de certaines denrées y soit constamment ouverte. Il y en a qu’on n’y trouve que les jours de marché ou de foire ; il s’en achète ce jour-là seul tout ce qui s’en consomme dans la semaine, ou même dans l’année. Les autres jours le marchand va faire ailleurs son commerce, ou bien s’occupe d’autre chose. Dans un pays très-riche et très-populeux, les consommations sont assez fortes pour que le débit d’un genre de marchandise occupe une profession pendant tous les jours de la semaine. Les foires et les marchés appartiennent à un état encore peu avancé de prospérité publique, de même que le commerce par caravanes appartient à un état encore peu avancé des relations commerciales ; mais ce genre de relations vaut encore mieux que rien[1].

De ce qu’il faut nécessairement une consommation considérable pour que la séparation des occupations soit poussée à son dernier terme, il résulte qu’elle ne peut pas s’introduire dans la fabrique des produits qui,

  1. Non-seulement nos marchés de campagne indiquent que la consommation de certains objets est languissante, mais il suffit de les parcourir pour voir combien le nombre de produits qu’on y vend est borné, et leur qualité grossière. Dans ce qui est au-delà des produits ruraux du canton, on n’y voit guère que quelques outils, quelques étoffes, quelques merceries et quincailleries des qualités les plus inférieures. Dans un état de prospérité plus avancé, on y verrait quelques-unes des choses qui contribuent à satisfaire aux besoins d’une vie un peu plus raffinée : des meubles plus commodes et moins dépourvus d’élégance ; des étoffes plus fines et plus variées ; quelques denrées de bouche un peu plus chères, soit par leur préparation, soit par la distance d’où elles seraient amenées ; quelques objets d’instruction ou d’amusement délicats, des livres autres que des livres de dévotion ou des almanachs de sorcier, etc. Dans un état encore plus avancé, la consommation de toutes ces choses serait assez courante, assez étendue pour qu’on y trouvât des boutiques constamment ouvertes et assorties en ces différens genres. On voit en quelques parties de l’Europe des exemples de ce degré de richesse dans les campagnes, notamment dans quelques cantons de l’Angleterre, de la Hollande et de l’Allemagne.