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fond des difficultés politiques actuelles du pays.

Il est naturel et il est bon que les idées et la tendance trop romanesques aient trouvé une réaction idéaliste comme chez Tainc et chez d’autres auteurs dans les autres pays  ; nommons comme exemple, en ce qui con- cerne la société rurale, l’auleur anglais, M. Seebohm. Mais la réaction est allée trop loin, et est aussi, de son côté, en dehors de la vérité. Il est nécessaire de le constater. L’ancienne tendance avait un grand fond de vérité et elle manifestait en général un idéalisme heureux et utile.

Le Danemark offre un exemple intéressant de l’influence pratique de ces idées. 11 n’y a probablement aucun pays où les réformes ru- rales dans la période du «gouvernement absolu c( éclairé » de la dernière partie du xviu" siècle aient été mieux exécutées, dans l’ensemble  ; elles transformèrent une population des plus misérables en citoyens relativement heureux et progressifs. A côté de toute la série de lois qui donnaient aux paysans la liberté, sur les domaines même le droit de propriété, une meilleure distribution des terres, des routes, des écoles, etc., il y eut cependant une loi qui fut une erreur. C’est une ordonnance de nOO qui transforma en obligation la cou- tume d’affermer les fermes paysannes au paysan pour sa vie et celle de sa femme jusqu’à ce qu’elle se remariât, le Livsfâste. Cette loi, innocente en apparence, faisait des paysans une classe fixe, et alors qu’après 1848, on voulut abolir entièrement cette si- tuation où la propriété était limitée, en tâ- chant de hâter la vente de toutes les fermes paysannes à leurs possesseurs momentanés, on" vit s’élever, de la part de cette classe, réellement classe moyenne, des demandes entièrement socialistes  ; on voulait dépouiller les grands propriétaires de leurs propriétés par une expropriation au-dessous de leur valeur, etc. Ce mouvement et cet espiùt de classe partageaient le peuple, d’un côté les paysans, de l’autre, la classe bourgeoise di- rigée par les fonctionnaires à éducation uni- versitaire  ; ils allaient même, pendant quelque temps, après que la lutte pour le Slesvig da- nois qui avait réuni les deux partis du peuple eût été terminée par la conquête allemande de 1864, arrêter tout le fonctionnement delà constitution libre de 1848. Or, cette loi mal- heureuse de 1790, ainsi que les demandes émises après 1848, était due à l’exagération des idées sur l’heureuse condition des an- ciens paysans libres. La loi de 1790 était notamment l’œuvre, non pas de la commis- sion qui prépara les autres réformes, mais d’un haut fonctionnaire, M. Colbjornsen, né


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en Norvège et rempli d’admiration pour les

 ;uîciens paysans normands. 

Dans la moderne Allemagne, on a vu quel- (|uc chose d’analogue. La législation agraire des princes prussiens d’avant la Révolution, qui voulaient artificiellement conserver les paysans et réglementer leur situation, était sans doute plutôt une expression de toute leur politique qui consistait à mettre tout dans certaines rubriques  : les villes qui seules avaient le privilège d’exercer l’industrie et le commerce, et qui payaient l’accise, les cam- pagnes avec les paysans et les grands proprié- taires, comme deux classes ayant de même chacune leurs droits et leurs obligations. Les réformes après 1807 étaient dans leur totalité excellentes  ; mais déjà, à l’élaboration de ces lois, on éprouva ces effets d’idées maladives qui voulaient borner le libre développement de la situation rurale. Dans les temps plus modernes, on trouve, en Allemagne, une série d’auteurs qui ont traité la situation et les ré- formes rurales d’après des vues les plus cor- rectes et éclairées  : citons comme des exem- ples, parmi les anciens, MM. P. Reichensperger delà Westphalie et Lette, et parmi les contem- porains, M. Bûcher dans l’Allemagne du sud.

Dans l’Autriche -Hongrie, le développe- ment historique a subi l’influence de l’in- compatibilité des divers éléments nationaux et, en partie, aussi religieux. Cette cause a sans doute largement contribué au ca- ractère des mesures gouvernementales en- core plus révolutionnaires qu’elles ne l’ont été en Prusse. Il faut tenir compte de toute l’histoire de cette administration dont le despotisme s’est immiscé partout, et, presque toujours, même lorsqu’il était dirigé par d’excellentes intentions, a été beaucoup trop loin, pour comprendre le courant d’idées peu libérales et peu pratiques qu’on rencontre continuellement chez les auteurs et les hom- mes d’État dans la monarchie des llapsbourg conmie en Allemagne. On peut cependant sans doute dire de toute l’école émanée de Berlin, peut-être sous l’influence peu sûre comme direction scientifique de M. Schmol- ler, qu’elle a des idées peu pratiques, dues ou à un idéal romanesque de l’ancienne Germanie ou à la politique moderne dite « sociale ». D’après ces idées, on a voulu ou garder ou créer artificiellement des fermes paysannes sans égard aux besoins de la vie et des circonstances. Signalons les efforts faits pour introduire un droit spécial d’héri- tage pour un des enfants, Anerbenrccht, et ceux qui ont eu pour but de former ces hentenijiitcr, qui présentent des restrictions que les paysans eux-mêmes n’aiment pas, et qui de plus restent rarement entre les


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