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plus de capitaux pour développer l’aj^ricul- ture  ; d’autre part, des fermiers qui exploi- tent des fermes d’une étendue relativement considérable et qui, d’après l’estimation de Sir James Caird, produisent cinq fois plus qu’ils ne produiraient s’ils étaient forcés d’acheter eux-mêmes leurs fermes  ; enfin une classe d’ouvriers en comparaison peu nom- breuse, vu que l’agriculture, à cause de la place qu’y tient l’élevage et de l’emploi con- sidérable de machines, n’a que des besoins assez restreints de main-d’œuvre. Les cou- tumes et la loi de primogénilure ont contri- bué à former et à maintenir les grandes pro- priétés  ; mais ce système est surtout la résultante de l’ensemble des conditions éco- nomiques  ; la grande richesse concentrée en Grande-Bretagne, la distribution de cette richesse, le caractère de la production en harmonie avec le climat, les besoins et les aptitudes du peuple, etc.  ; et la classe des fer- miers anglais ne forme qu’une partie de cette classe moyenne supérieure britannique douée d’une activité et d’une force d’expansion si remarquable.

La société agricole de l’Irlande fait le sujet, dans le Bictionnaire, d’une étude particu- lière (V. Agraires [Lois]). Il suffit de relever que le morcellement, qui est un phénomène malheureux là où il n’est pas adapté au ca- ractère de la production, tend à y diminuer. Déjà de 1851 à 1879, le nombre des fermes au-dessous de 15 acres est tombé de 280 000 à 227 000, et celui des fermes de 15 acres ou au-dessus s’est élevé de 149 000 à 171000  ; en 1841, les fermes au-dessous de 15 acres étaient même de 563 000 comme nombre et celles au-dessous de o acres 310 000 contre 56 000 en 1887, et ce mouvement continue.

En France, il est aujourd’hui reconnu que le morcellement n’est pas seulement une conséquence des confiscations opérées pen- dant la Révolution, mais est un fait déjà an- cien et dû à des causes plus profondes. D’autre part, il est exagéré d’y représenter la terre comme « réduite en poussière». Les fermes de 40 hectares ou plus couvraient encore, lors de l’enquête agricole de 1882, presque la moitié des terres, soit 45 p. 100  ; celles de 5 à 40 hectares, 41 p. 100, et celles de 1 à 5 hectares exclusivement, plus de 11 p. 100  ; au-dessous de 1 hectare, seulement 2 p. 100. Pour employer une autre distribu- tion, les terres de 2 à G hectares occupaient 15 p. 100 de la superficie totale  ; celles de 6 à 10 hectares, 30 p. 1 00  ; celles de 50 à 200 hec- tares, 19 p. 100  ; celles de plus de 200 hec- tares, 16 p. 100. D’une manière générale, la moitié des pièces de terre mesurait moins de un demi-hectare  ; les deux tiers, moins de un


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hectare  ; les trois quarts, moins de 2 hectares  ; les neuf dixièmes, moins de G hectares. Les terres d’une étendue de 50 à 200 hectares étaient au nombre de 105 000, soit 1/4 p. 100 du nombre total des terres  ; celles au-dessus de 200 hectares, au nombre de 17 600, soit 12/100 p. 100 de ce même nombre. Si la France compte des millions de propriétaires, tandis qu’en Angleterre, ils ne se chilîrent que par centaines de mille, si elle possède 3 mil- lions et demi de propriétaires et seulement 1 300 000 fermiers et métayers, cela ne repré- sente que de grands avantages très particu- liers. Les grandes divisions de la France, qui présentent entre elles une si grande diversité de climat et même d’autres conditions éco- nomiques, offrent des divergences intéres- santes. Dans l’Ouest et dans le Midi, où il y a toujours eu des fermes séparées sans commu- nautés de village, le nombre des grandes pro- priétés est relativement plus considérable. Mais il est vrai que la France excelle surtout, dans l’agriculture comme aussi dans les autres branches de l’activité, par le dévelop- pement remarquable de la petite classe moyenne. Le peuple français ne pousse peut- être pas aussi loin que les Anglais l’initiative économique  ; mais c’est une partie plus con- sidérable de la nation qui possède, même sous le rapport matériel, les conditions favo- rables à une vie civilisée, constituant la véri- table force du pays et donnant un caractère incomparable à son génie national.

La distribution des terres en Allema^ie porte l’empreinte de l’origine différente de la société rurale dans les différentes parties du pays (V. Colonisation ancienne en villages ou en fermes séparées). Les grandes fermes, Rittcrgiiter, fermes de chevalier, ou fermes de 100 hectares ou plus, occupaient en 1881, dans les sept provinces prussiennes à Vest de l’Elbe, au nombre de 18 000, 42 p. 100 de la superficie agricole. Elles atteignaient dans la Poméranie et la Posnanie 57 et 55, dans la Prusse occidentale et le Prusse orientale 47 et 39, dans le Brandebourg 36, dans la Silé- sie 35, et dans la province prussienne de Saxe (|iii forme, sous plusieurs rapports, une transition avec les autres parties de l’Alle- magne, 27 p. 100. Dans la nouvelle Poméranie citérieure, qui était autrefois suédoise et qui bénéficiait d’une législation rurale plus libé- rale, les fermes de 600 Morgen ou près de 160 hectares occupaient 75 p. 100 des terres et même, en y comprenant toutes les terres quien dépendaient, 80 p. 100  ; il ne restait pour les villages paysans que 15 p. 100 des terres  ; 5 p. 100 appartenaient aux villes. La situa- tion était identique dans l’ile de Rugcn, qui, elle aussi, fut autrefois soumise à la domina-


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