Page:Say et Chailley-Bert - Nouveau dictionnaire d'économie politique, supplément.djvu/43

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perluiluition, loiil bouleverserneiil des lois politiques, morales, sociales et religieuses, est provoquée par les juifs. Allirtner sem- blable chose c’est méconnaître les plus élé- mentaires des lois historiques. Le juif n’est pas le nîoleur du monde, il eût disparu dans les llammes de Sion que l’état social eût évolué quanil même, d’autres fadeurs eus- sent remplacé le facteur juif, accompli son œuvre économique et, la Bible et le christianisme demeurant, l’œuvre intellectuelle et morale du juif se fût faite sans lui.

Le juif a certainement participé à l’éclo- sion de l’esprit moderne, mais il n’en est ni le créateur ni le é-csponsable. Si le juif fait illusion aux conservateurs, aux représen- tants du passé en face de la Révolution, c’est que dans l’histoire du libéralisme moderne il a joué un grand rôle, et que ce libéralisme a marché contre le vieil État chrétien, ayant pour allié l’anticléricalisme. Notre siècle aura vu le dernier effort de VÈtat chrétien pour garder la doniniation. Cette conception de l’État féodal reposant sur la communauté des croyances, l’unité de la foi et aux avantages iluquel hérétique et incré- dule ne peuvent participer, est en opposition avec la notion de l’État neutre et laïque sur laquelle sont fondées la plupart des sociétés contemporaines. Or le juif est le vivant témoi- gnage de la disparition de cet Etat chrétien dont les antisémites rêvent consciemment ou inconsciemment la restauration, et l’anti- sémitisme représente un côté de la lutte entre les deux formes d’État dont nous venons de parler.

Répugnance et préjugés ataviques fon- damentaux, puis, grâce à ces préjugés, une conception exagérée du rôle que les juifs ont lempli dans les sociétés modernes, concep- tion qui en fait les représentants de l’esprit révolutionnaire en face de l’esprit conser- vateur, de la transformation en face de la tradition et qui, dans cet âge de transition, les rend responsables de la chute des an- ciennes organisations et du discrédit des an- tiques principes, tels sont résumés les mobiles de l’antisémitisme politique et religieux.

Les griefs économiques sont les plus im- portants, et se traduisent d’une façon simple par cette proposition  : « Le juif est plus malhonnête que le chrétien  : il est dépourvu de tous scrupules, étranger à la loyauté et à la franchise ». Ce grief a été, et est peut- être encore fondé dans tous les pays où le juif est maintenu hors de la société, où il est abaissé par la persécution, les législa- tions restrictives et le talmudisme exclusif ; partout ailleurs, si le juif marchand et agio- teur est encore cauteleux, roué, enclin à la


tiomperie, il ne l’est pas plus que les agio- leurs et marchands chiétiens rendus peu scrupuleux par l’habitude du trafic. Les antisémites répondent, il est vrai, que ce sont les juifs qui ont perverti les chrétiens et que c’est eux qui ont amené les vices de l’état économique actuel. Mais celle asser- tion est insoutenable car, pour amener cet étal, il a fallu mille causes auxquelles les juifs sont étrangers. D’ailleurs la masse anti- sémite connaît peu ou pas du tout le rôle historique des juifs au point de vue écono- mique. Pourquoi donc un grand nombre d’hommes de la petite bourgeoisie et de la bourgeoisie capitaliste sont-ils antisémites? l’arce que, si comparativement au gros de la population les juifs sont une poignée, ils semblent par le rang qu’ils occupent être légion. Si on compare les deux millions de juifs qui, dans le monde entier, appartiennent à la classe bourgeoise (car les sept huitièmes des juifs sont extrêmement pauvres et font partie de la classe ouvrière et artisane) avec la bourgeoisie chrétienne, on voit que cette minoritéjuiveoccupe une situation prépondé- rante. C’est cette prépondérance qui est une cause d’antisémitisme, et cet antisémi- tisme économique est simplement une forme de la concurrence du capital.

Pourquoi cette prépondérance? parce que dans une société individualiste, les juifs sont une minorité organisée et solidaire. Ainsi constitués, ils se font place plus facilement dans la société relâchée et désunie. Les millions de chrétiens qui les entourent prati- queraient l’appui mutuel au lieu de la lutte égoïste que Tinfluence du juif serait immé- diatement anéantie. Mais ils ne la pratiquent pas et le juif doit, sinon dominer, c’est le terme des antisémites, du moins avoir le maximum des avantages sociaux et exercer cette sorte de suprématie contre laquelle pro- teste l’antisémitisme sans toutefois l’abolir, car elle dépend non seulement de la classe bourgeoise juive, mais aussi delà classe bour- geoise chrétienne. Lorsque le capitaliste chrétien se voit évincé ou supplanté par le capitaliste juif, il en résulte une aniino- sité violente qui se traduit par les griefs que je viens d’éimmérer, griefs qui ne sont pas le fondement réel de l’antisémitisme, mais son décor littéraire.

Si on a toujours présent à l’espiil cette idée de la solidarité juive et ce fait que le juif est une minorité organisée, on en con- clura que l’antisémitisme est une lutte entre les riches, un combat entre les détenteurs du capital. C’est ce qui explique pourquoi l’anti- sémitisme est une opinion bourgeoise et pour- quoi il est si peu répandu, sinon à l’état de