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BAUDRILLART


social et politique, ses progrès excessifs, et la décadence morale qui y correspond ; le luxe et la Renaissance  ; la censure du luxe au moyen âge et pendant la Renaissance  ; le luxe au xvii« siècle ; le luxe au xvin’’ siècle, l’agiotage et les folles dépenses de la Régence et de sa suite, le luxe niveleur, l’altération des mœurs publiques par les jouissances privées, l’influence du luxe français sur les nations étrangères  ; le luxe et la Révolution, le vandalisme, les fondations et les essais de réforme, les fêtes nationales ; enfin, le luxe en France et chez les nations étrangères depuis le commencement du siècle, son ca- ractère et ses tendances contemporaines  ; les réformes du luxe privé, les impôts somp- tuaires,les réformes du luxe public ; — voilà, dans son ordonnance générale, l’ouvrage considérable, consacré par son auteur à l’étude historique, économique et esthétique du luxe, sorte d’encyclopédie qui implique les plus vastes recherches et embrasse le plus vaste ensemble de connaissances  : art, morale, philosophie, économie politique, science du gouvernement.

Nous arrivons enfin au dernier ouvrage de Baudrillart : les Populations agricoles delà France.

Encouragé par l’initiative de l’Académie des sciences morales et politiques, qui lui rendit sa tâche plus légère et plus honorable à la fois en en faisant une mission  ; animé par les difficultés mêmes de son entreprise, telles que l’obscurité, la dispersion et la di- versité des classes agricoles, dont les desti- nées sont silencieuses et résignées, et dont les caractères varient selon le sol et le climat, selon la race et les habitudes  ; péné- tré de l’importance de son enquête par l’idée qu’il avait du rôle que joue l’individu dans la production agricole comme dans toutes les autres, et par la croyance que le fonds essentiel, le substratiim des nations est dans les campagnes ; « soutenu par l’espoir de léguer à l’avenir le tableau de la France rurale dans le dernier quart du xix’^ siècle, ce tableau que les historiens et les économistes déplorent de n’avoir que par lambeaux pour les siècles passés »  ; fort de la connaissance préalable que vingt-trois ans de voyages comme inspecteur des bibliothè- ques et des archives lui avaient donné des plus petits coins des provinces ; armé de ses aptitudes historiques, économiques, philo- sophiques personnelles, de tous les dons des cerveaux bien organisés, le don de voir, d’observer et de comparer, celui de s’assi- miler les notions, la lucidité d’esprit qui les ordonne, la faculté pensante et généralisa- trice qui les enchaîne, personne n’était plus


propre ni mieux préparé que l’auteur des PO’ pulations agricoles à porter jusqu’au bout, sans fléchir, le poids d’une tentative aussi lourde. La mort ne lui a malheureusement pas permis de terminer son œuvre. Ce mo- nument inachevé n’en place pas moins le nom de son auteur à côté de ceux d’Arthur Young et de Léonce de Lavergne.

La première série des Populations agricoles de la France comprend l’Ouest  : Normandie, Bretagne.

L’état passé et présent, les coutumes, l’instruction, les mœurs, l’état économique des populations du Maine, de l’Anjou, de la Touraine, du Poitou, de l’Artois, de la Picardie, de l’Ile-de-France, sont les sujets de la deuxième série.

Henri Baudrillart en était là de son œuvre, quand la mort est venue l’arrêter. De ses deux derniers voyages, accomplis en 1890 et en 1891 au milieu des plus cruelles souf- frances, il avait cependant rapporté des notes partiellement rédigées et des docu- ments sur les provinces méridionales. Com- pagnon de voyage de son père, et quelquefois son collaborateur, bien préparé d’ailleurs par ses propres études historiques à abor- der ces questions d’économie sociale compa- rative et descriptive, M. Alfred Baudrillart, aujourd’hui Père de l’Oratoire, a pu, par bonheur, terminer et publier un troisième volume, qui n’achève pas l’œuvre, puisqu’il y manque l’étude des régions de l’Est et d’une partie du Centre^, mais qui y ajoute un fragment précieux.

Un économiste descriptif, moraliste et philosophe, tel apparaît, quand on a passé son œuvre en revue, Henri Baudrillart. Son originalité comme économiste consiste évi- demment dans le rattachement de l’économie politique à la morale spiritualiste. Le spiri- tualisme est aujourd’hui peu en honneur. Il passe pour peu scientifique. C’est l’opinion du moment. Elle n’aura qu’un temps. Les probabilités contrairesne sont pas telles qu’il y ait lieu de considérer son éclipse passa- gère comme définitive. Le jour où il aura repris dans l’ensemble des opinions humaines la place qui lui appartient, on s’apercevra de l’importance du service rendu par Henri Baudrillart à l’économie politique en lui assignant le spiritualisme pour base, de la solidité d’assiette qu’il lui aura ainsi donnée, de la fécondité des conséquences de toute sorte qui découlent de ce parti pris, de la force notamment que trouvera déplus

I . Sur l’Orléanais, le Berry, la Marche, le Bourbonuais et le Nivernais, Henri Baudrillart a encore laissé des notes dans lesquelles il a eu la tristesse de ne pouvoir mettre assez d’ordre pour qu’elles puissent être publiées.


LAUDKILLAHT