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D’UN LIÈVRE.

— Quoi ! lui répondis-je, est-il défendu de trouver que vous êtes un bel oiseau ? j’arrive de Paris où je n’ai vu que des Hommes, et je suis heureux de voir enfin un Animal.

Ma réponse était fort simple, je pense, il trouva pourtant moyen de s’en offenser.

— Je suis le Coq du village, s’écria-t-il, et il ne sera pas dit qu’un méchant Lièvre m’aura insulté impunément !

— Vous m’étonnez, lui dis-je, je n’ai point voulu vous insulter ; je suis fort doux et n’aime point les querelles : je vous offre mes excuses.

— J’ai bien affaire de tes excuses ! me répliqua-t-il ; toute insulte doit être lavée dans le sang ; il y a longtemps que je ne me suis battu, et je ne serais pas fâché de te donner une leçon de savoir vivre. Tout ce que je puis faire, c’est de te laisser le choix des armes.

— Moi me battre ! lui dis-je, y pensez-vous ? j’aimerais mieux mourir ! Apaisez-vous, je vous prie, et veuillez me laisser passer : je m’en vais à Rambouillet, où j’espère encore retrouver quelques vieilles connaissances.

— Mon cher ami, me répondit-il, nous sommes loin de compte ; entre gens qui se respectent, les choses ne se passent point ainsi. Nous nous battrons, et, si tu refuses, je te battrai. Tiens, ajouta-t-il en me montrant un Bœuf et un Chien qui venaient de notre côté, voilà notre affaire, nos témoins sont trouvés. Suis-moi, et n’essaye pas de te sauver : j’ai l’œil sur toi.