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D’UN LIÈVRE.

vous pouvez me croire, je ne suis pas un chien de chasse, et je n’ai aucune raison de vouloir du mal à votre espèce. Ne tremblez donc pas ainsi, mon cher Lièvre, et prenez confiance. À toute force, il n’est pas nécessaire pour se battre d’avoir du courage, il suffit d’en montrer. Quand vous aurez à essuyer le feu de votre adversaire, tâchez de penser à autre chose.

— Je n’en viendrai jamais à bout, lui dis-je à demi-mort.

— Ne croyez donc pas cela, reprit-il, on vient à bout de tout. Tenez, puisque le choix des armes vous est laissé, ne prenez pas l’épée : votre adversaire aurait sur vous l’avantage du sang-froid et de l’habitude ; battez-vous au pistolet, je chargerai moi-même les armes.

— Comment, lui dis-je, vous croyez que je vais me battre avec des pistolets chargés ? n’y comptez pas ; vous en parlez bien à votre aise. S’il faut se battre à toute force, ce Coq intraitable n’a-t-il pas des éperons et un bec très-crochu ? Croyez-vous que ces armes ne soient pas assez dangereuses ? eh bien ! je ferai de mon mieux pour avoir à en souffrir le moins possible. Au nom de l’humanité, tâchez d’arranger cette abominable affaire à laquelle je ne puis rien comprendre.

— Fi donc ! s’écria le Coq, un duel à coups de bec ! Me prenez-vous pour un manant ? Allons, finissons-en ! Entrons dans ce taillis. L’un de nous n’en sortira pas !… ajouta-t-il avec un accent que Duprez lui-même n’eût pas désavoué.