Page:Scènes de la vie privée et publique des animaux, tome 1.djvu/173

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
95
D’UNE CHATTE ANGLAISE.

ange, disait-elle. Quoiqu’elle soit très-belle, elle a l’air de ne pas savoir. Elle ne regarde jamais personne, ce qui est le comble des belles éducations aristocratiques ; il est vrai qu’elle se laisse voir très-volontiers ; mais elle a surtout cette parfaite insensibilité que nous demandons à nos jeunes miss, et que nous ne pouvons obtenir que très-difficilement. Elle attend qu’on la veuille pour venir, elle ne saute jamais sur vous familièrement, personne ne voit quand elle mange, et certes ce monstre de lord Byron l’eût adorée. En bonne et vraie Anglaise, elle aime le thé ; se tient gravement quand on explique la Bible, et ne pense de mal de personne, ce qui lui permet d’en entendre dire. Elle est simple et sans aucune affection, elle ne fait aucun cas des bijoux ; donnez-lui une bague elle ne la gardera pas ; enfin elle n’imite pas la vulgarité de celles qui chassent, elle aime le home, et reste si parfaitement tranquille, que parfois vous croiriez que c’est une Chatte mécanique faite à Birmingham ou à Manchester, ce qui est le nec plus ultra de la belle éducation. »

Ce que les Hommes et les vieilles filles nomment l’éducation est une habitude à prendre pour dissimuler les penchants les plus naturels, et quand ils nous ont entièrement dépravées, ils disent que nous sommes bien élevées. Un soir, ma maîtresse pria l’une des jeunes miss de chanter. Quand cette jeune fille se fut mise au piano et chanta, je reconnus aussitôt les mélodies irlandaises que j’avais entendues dans mon enfance, et je compris que j’étais