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D’UN PAPILLON.

cessive des êtres, et, à l’appui, je lui rappelai qu’il avait été déjà Chenille, Chrysalide et Papillon.

« Merci, me dit-il d’une voix presque résolue ; merci, tu m’auras été bonne jusqu’à la fin. Vienne donc la mort, puisque je suis immortel ! Pourtant, ajouta-t-il, j’aurais voulu revoir avant de mourir ces bords fleuris de la Seine où se sont écoulés si doucement les premiers jours de mon enfance. »

Il donna aussi un regret à la Violette et à la Marguerite ; ce souvenir lui rendit quelques forces. « Elles m’aimaient, dit-il ; si la vie me revient, j’irai chercher auprès d’elles le repos et le bonheur. »

Ces riants projets, si tristes en face de la mort, me rappelèrent ces jardins que font les petits enfants des Hommes en plantant dans le sable des branches et des fleurs coupées, qui le lendemain sont flétries.

Sa voix s’affaiblit subitement. « Pourvu, dit-il si bas que j’eus peine à l’entendre, pourvu que je ne ressuscite ni Taupe, ni Homme, et que je revive avec des ailes ! »

Et il expira.

Il était dans la force de l’âge et n’avait vécu que deux mois et demi, à peine la moitié de la vie ordinaire d’un Papillon.

Je le pleurai, monsieur ; et pourtant, quand je songeai à la triste vieillesse que son incorrigible légèreté lui préparait, je me pris à penser que tout était pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles. Car je suis de l’avis de