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COUR CRIMINELLE

eu longtemps, je l’avoue, la funeste habitude de détruire des Moutons ; mais en agissant ainsi, je consultais moins mon inclination que ma haine pour les Hommes : si j’éprouvais du plaisir à donner la mort à une Brebis, c’est que c’était enlever à nos oppresseurs une portion de leurs richesses. Depuis longtemps, je suis revenu à des sentiments plus doux, mais sans cesser de détester les Hommes. Jugez donc de mon indignation, quand, l’autre jour, je vis les malheureux dont on m’impute la mort, poursuivis par un boucher qui les frappa sans pitié. Je volai à leur secours : l’infâme bourreau prit la fuite ; et c’est au moment où je venais de ramasser son arme, où je me préparais à panser les plaies des victimes, que les agents de l’autorité m’ont fait prisonnier. Je me propose de les attaquer plus tard… en dommages-intérêts pour attentat à la liberté d’un citoyen paisible. Provisoirement, je me contente de protester mon innocence. » (L’accusé se rassied et porte la patte à ses yeux.)

« Ce discours éveille les sympathies de l’auditoire et notamment du beau sexe. « Comme il parle bien ! » dit une Grue. « Qu’il a de grâces ! » s’écrie une Pie-Grièche. « Quel dommage, si un aussi beau criminel était condamné ! » dit une Bécasse, en respirant des sels. »

Il paraît qu’il est bon d’être scélérat pour plaire à ces dames, mais qu’il importe de joindre l’hypocrisie à la