Page:Scènes de la vie privée et publique des animaux, tome 1.djvu/391

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
241
D’UN MOINEAU DE PARIS.

— Oui, seigneur Moineau. Voilà pourquoi nos ouvrières sont si fières d’appartenir à l’Empire Formique, et travaillent avec tant de cœur en chantant : Rule, Formicalia !

— Ceci, me dis-je en partant, est contraire à la Loi Animale : Dieu me garde de proclamer de tels principes. Ces Fourmis n’ont ni foi ni loi. Que deviendraient les Moineaux de Paris, qui sont déjà si spirituels, au cas où quelque grand Moineau les organiserait ainsi ? Que suis-je ? Je ne suis pas seulement un Friquet parisien, je me suis élevé, par la pensée, à toute l’Animalité. Non, l’Animalité n’est pas faite pour être gouvernée ainsi. Ce système n’est que tromperie au profit de quelques-uns.

Je partis vraiment affligé de la perfection de cette oligarchie et de la hardiesse de son égoïsme. Chemin faisant, je rencontrai sur la route un prince d’Euglosse-Bourdon qui allait presque aussi vite que moi. Je lui demandai la raison de son empressement ; l’infortuné m’apprit qu’il voulait assister au couronnement d’une reine. Charmé de pouvoir observer une si belle cérémonie, j’accompagnai ce jeune prince, plein d’illusions. Il avait l’espoir d’être le mari de la reine, étant de cette célèbre famille d’Euglosse-Bourdon en possession de fournir des maris aux reines, et qui leur en tient toujours un tout prêt, comme on tenait à Napoléon un poulet tout rôti pour ses soupers. Ce prince, qui n’avait que ses belles couleurs pour toute fortune, quittait un pauvre endroit, sans fleurs ni miel, et comptait vivre dans le luxe, l’abondance et les honneurs.