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D’UN MOINEAU DE PARIS.

— Les rudes vertus d’une république ainsi faites, me disais-je, ne subsistent donc que par la guerre ? Sera-ce le meilleur gouvernement possible, celui qui ne vivra qu’à la condition de lutter, de souffrir, d’immoler sans cesse et les autres et soi-même ? Entre mourir de faim en ne faisant aucune œuvre durable, ou mourir de faim en coopérant, comme le Moineau de Paris, à une histoire perpétuelle, à la trame continue d’une étoffe brodée de fleurs, de monuments et de rébus, quel Animal ne choisirait le tout au rien, le plein au vide, l’œuvre au néant ? Nous sommes tous ici-bas pour faire quelque chose ! je me rappelai les Polypes de la mer des Indes, qui, fragment de matière mobile, réunion de quelques monades sans cœur, sans idée, uniquement douées de mouvement, s’occupent à faire des îles sans savoir ce qu’ils font. Je tombai donc dans d’horribles doutes sur la nature des gouvernements. Je vis que beaucoup apprendre, c’est amasser des doutes. Enfin, je trouvai ces Loups socialistes décidément trop carnassiers pour les temps où nous vivons. Peut-être pourrait-on leur enseigner à manger du pain, mais il faudrait alors que les Hommes consentissent à leur en donner.

Je devisais ainsi à tire-d’aile, arrangeant l’avenir au vol d’Oiseau, comme s’il ne dépendait pas des Hommes d’abattre les forêts et d’inventer les fusils, car je faillis être atteint par une de ces machines inexplicables ! J’arrivai fatigué. Hélas ! la mansarde est vide : mon philosophe est