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LE PREMIER FEUILLETON

son cœur. Tout à coup, au coin du bois, Zémire rencontre… Azor ! Azor qui a fait peau neuve, Azor l’amoureux, Azor tout resplendissant de sa beauté nouvelle, Azor lui-même ! Est-ce bien lui ? n’est-ce pas lui ? ne serait-ce pas un autre que lui ? Ô mystère ! ô pitié ! ô terreur ! Mais aussi, ô joie ! ô délire ! ô cher Azor ! Rien qu’à se voir, les deux amants se sont compris sans se parler. Ils s’aiment, ils s’adorent, ils se le disent à leur manière. Ciel et terre, ils oublient toute chose. Qui dirait à celle-là : « Vous êtes assise sur un des plus grands trônes de l’univers, » elle répondrait : « Que m’importe ? » Qui dirait à celui-ci : « Rappelle-toi que tu es un tourneur de broche, » il vous déchirerait à belles dents. « Ô belles heures poétiques ! ô charmants délires de la passion ! ô grandeurs et misères de l’amour ! et pour finir toutes mes exclamations, ô vanité des vanités !

Car, pour parler comme le poëte, à la porte il y a un gond, à la serrure une clef, dans la rose un ver, sur la place publique un espion, dans le chenil un Chien, à plus forte raison, à la lampe il n’y a pas mèche, et, dans la forêt d’Aranjuez, il y a le terrible Danois qui regarde nos deux amants de loin. « Oh ! vous vous aimez, dit-il les pattes croisées sur sa poitrine ; oh ! vous vous aimez à mon dam et préjudice ! eh bien, tremblez, tremblez, misérables ! » Ainsi parlant, et quand Zémire est rentrée chez sa royale maîtresse, qui la rappelle avec des croquignoles dans les mains et des tendresses plein le re-