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LE PREMIER FEUILLETON

Danois. Toujours est-il que le drame se passe comme il le désire : le pauvre Azor, naguère si beau, arrive tout souillé aux pieds de sa maîtresse : et là, devant le tormenteur, un affreux Héron au long bec emmanché d’un long cou, qui le regarde de toute sa hauteur, Azor déclare à Zémire qu’il n’est, en résultat, qu’un vil marmiton, qu’il sortait du bain l’autre jour quand il l’a rencontrée, mais que c’était le premier bain qu’il prenait de sa vie. Maître, que vous dirai-je ? À cet affreux récit, voilà Zémire qui se jette aux pieds d’Azor. — « Oh ! lui dit-elle, que j’ai de joie de t’aimer dans cette vile condition ! que je suis fière de te faire le sacrifice de mon orgueil ! Tu veux ma patte, mon amour, voilà ma patte : je te la donne à la face de l’univers ! Viens, Azor, viens sur mon cœur ! » À cette scène touchante, mon maître, vous auriez vu pleurer toute la salle : le Blaireau, le petit maître des balcons, s’efforçait en vain de retenir ses larmes ; le Bœuf, dans sa loge, fermait les yeux pour ne pas pleurer ; la Poule, au poulailler, agitait ses ailes en sanglotant ; le Coq, sur ses ergots, voulut appeler en duel le traître de mélodrame. Ce n’étaient que gémissements et grincements de dents, évanouissements calculés à plaisir : on se serait cru dans une salle peuplée d’êtres humains.

Ici finit le quatrième acte.

Vous dirai-je maintenant le cinquième acte ? Je ne crois pas que j’y sois obligé, mon maître : car enfin je ne crois