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Page:Scènes de la vie privée et publique des animaux, tome 1.djvu/556

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SOUVENIRS D’UNE VIEILLE CORNEILLE.

pourvu que tu meures et que nous puissions souper avec Ta Seigneurie. Chantons, dansons et mangeons ! peut-être demain serons-nous sous la dent des Hommes ! »

Une petite Ablette aux sept nageoires, qui n’était encore qu’une demi-sorcière, s’approcha tout au bord de l’eau : « Ton malheur nous remplirait de tristesse et de pitié, lui dit-elle d’un air moitié naïf et moitié railleur, si notre tristesse et notre pitié pouvaient le faire cesser. »


— Elle n’est pas morte, disait le pauvre Hibou à moitié fou ; elle n’est pas morte… je ne comprends pas. Et l’eau avait repris son cours ; magiciennes et magiciens, voyant qu’il ne se pressait pas de mourir, étaient rentrés, ceux-ci dans leur bourbe, ceux-là dans leurs roseaux et sous leurs pierres, qu’il disait encore, en agitant ses ailes avec désespoir : — Je ne comprends pas. —

Le hasard et un peu d’insomnie m’avaient conduite, cette nuit-là, de ce côté. J’avais été spectatrice muette de la scène que je viens de raconter. J’eus pitié de lui, et je l’abordai.

« Cela veut dire, lui dis-je, si cela veut dire quelque chose, qu’elle est infidèle, oui, infidèle. Cela veut dire aussi que la plupart de ces Poissons ne seraient pas fâchés de te voir mourir, et qu’ils te trouveraient bon à manger. — Mais pourquoi mourir ? en seras-tu moins trompé ? » — Et je le remis dans son chemin et dans son bon sens, après avoir employé, pour le décider à vivre,