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D’UN LIÈVRE.

Assuré de la vie, et prisonnier sur parole, on ne me chargea pas de chaînes. J’aurais pris mon mal en patience si j’avais pu m’évader, et, je l’aurais fait certainement si je n’avais craint l’impitoyable baïonnette

De la garde qui veille aux barrières du Louvre.

Dans cette petite chambre, située à Paris sous les combles mêmes des Tuileries, j’arrosai bien souvent de mes larmes le pain qu’on me donnait par miettes et qui n’avait aucun rapport, je vous le jure, avec les herbes bienfaisantes que la terre produit pour nous. Le triste logement qu’un palais quand on n’en peut sortir à son gré ! Les premiers jours j’essayai de me distraire en me mettant à la fenêtre ; mais souvent on essaye d’être content, et on ne peut pas ; il n’y a que ceux qui sont bien qui ne veulent pas changer de place. J’en vins à prendre en horreur cette vue monotone.

Que n’aurais-je pas donné pour une heure de liberté et pour un brin de serpolet ! J’eus cent fois la tentation de me précipiter du haut de cette belle prison pour aller vivre libre dans les herbes ou mourir. Croyez-moi, mes enfants, le bonheur n’habite pas au-dessus des lambris dorés.

Mon maître, qui, en sa qualité de valet de cour, n’avait pas grand’chose à faire, et qui trouvait sans doute à son point de vue humain mon éducation fort imparfaite,