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Page:Scarron-oeuvres Tome 6-1786.djvu/186

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Lorsque vous me raillez assez visiblement,

Que vous gagniez pourtant mon coeur absolument ?

Vous m'avez fait, Madame, un plaisir, dont j'espère

Me revancher bientôt, et Monsieur votre frère,

En éloignant de moi cet Empereur des Fous, [315]

S'est acquis dessus moi ce qu'il peut dessus vous.

HÉLÈNE

Dom Diègue est de soi si fort considérable,

Que si j'avais pour frère un Cavalier semblable,

Quand cela m'ôterait la plupart de mon bien

J'y gagnerais beaucoup.

LÉONOR

Il ne vous est donc rien ? [320]

HÉLÈNE

Non, mais il tâche assez de m'être quelque chose.

LÉONOR

Sa qualité peut-être inégale est la cause,

Qu'il aura de la peine à parvenir si haut.

HÉLÈNE

Dans sa condition il est bien sans défaut,

On n'en saurait non plus trouver en sa personne ; [325]

Mais ce n'est pas pour rien aujourd'hui qu'on se donne,

Dom Diègue est fort pauvre, étant ce que je suis,

Je veux vivre en la Cour, sans bien je ne le puis :

Mon bien est médiocre, et j'aime la dépense.

LÉONOR

, tout bas.

Ma crainte, et mes soupçons font place à l'espérance. [330]

HÉLÈNE

Que dites-vous ?

LÉONOR

Je dis qu'en épousant un gueux,

Quelque bien que l'on ait, d'un pauvre on en fait deux.

HÉLÈNE

Dom Diègue est aimable, et son nom est Mendoce,

Mais cela ne fait pas bien rouler un carrosse,

Un oncle, à ce qu'il dit, Gouverneur au Pérou, [335]

Lui garde bien du bien : mais il n'est pas venu,

Je n'aime pas le bien qui n'est qu'en espérance,

Je l'amuse pourtant de quelque complaisance,