Page:Scarron-oeuvres Tome 6-1786.djvu/203

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Pourvu qu'Hélène m'aime, et me veuille du bien,

Les malheurs les plus grands me touchent moins que rien, [690]

Sa main mise en la mienne, ainsi que je l'espère ;

Car il n'est plus saison que sa bonté diffère

De m'accorder bientôt ce sensible bonheur,

Dont le retardement blesserait votre honneur :

Sa main, dis-je, donnée, et la mienne reçue, [695]

Feront qu'en ses desseins la Fortune déçue

Me laissera jouir de ce bonheur parfait,

Sans me plus tourmenter, comme elle a toujours fait.

Ne différez donc plus ce bien incomparable,

Faites un homme heureux d'un homme misérable : [700]

Achevez ma fortune en public dès demain,

Et recevant mon coeur, donnez-moi votre main.

HÉLÈNE

Vous pressez un peu trop ce qu'on peut toujours faire,

Vouloir être mon Maître, est-ce vouloir me plaire ?

Vous m'aimez Dom Diègue, au moins, ce dites-vous, [705]

J'aime bien Dom Diègue, et craint fort un époux :

Vous n'avez point de bien, j'aime fort la dépense,

Jugez par ce discours de tout ce que je pense.

DOM DIÈGUE

Vous refusez un bien si longtemps attendu ?

HÉLÈNE

Osez-vous vous en plaindre, et vous était-il dû ? [710]

DOM DIÈGUE

Ô que vous cachiez bien votre âme intéressée !

HÉLÈNE

Ô qu'en vous épousant je serais insensée !

DOM DIÈGUE

Je ne le pouvais croire alors qu'on me l'apprit

Que vous aimiez le bien.

HÉLÈNE

C'est avoir de l'esprit.

DOM DIÈGUE

Vous en avez beaucoup, mais bien plus d'avarice. [715]

Ô que mon beau cousin frais venu de Galice