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Page:Scarron-oeuvres Tome 6-1786.djvu/233

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Font des miroirs d'amour, de qui les faux appas

Étalent des beautés qu'ils ne possèdent pas.

On les peut appeler visages de moquette.

Un tiers de leur personne est dessous la toilette ;

L'autre dans les patins, le pire est dans le lit : [1335]

Ainsi le bien d'autrui tout seul les embellit,

Ce qu'ils peuvent tirer de leur propre domaine,

C'est chair molle, gousset aigre, mauvaise haleine.

Et pour leurs beaux cheveux si ravissants à voir,

Ils ont pris leur racine en un autre terroir. [1340]

Ils sont le plus souvent des plantes transplantées,

Qu'on applique avec art sur têtes édentées.

FILIPIN

Paquette, ma Paquette, où prends-tu tant d'esprit ?

Aimes-tu quelque auteur, lorsque ton oeil me prit,

Je te soupçonnais bien d'avoir l'esprit alerte, [1345]

Mais de l'avoir si bon, Ha ! C'est trop pour ma perte,

Je veux rompre aujourd'hui bien plutôt que demain,

Avecques ta Maîtresse, et te donner la main ;

Mais la voici venir.


Scène II

HÉLÈNE

Je vous ai fait attendre,

Vous me le pardonnez, j'avais visite à rendre [1350]

À certaine Duchesse, à qui je dois beaucoup.

FILIPIN

Ma belle Tramontane, hé bien, est-ce à ce coup,

Que l'hymen ayant joint Dom Pedre, et Dame Hélène,

De leur congrès fécond viendra la digne graine !

Laquelle pullulant en ce puissant État, [1355]

Soumettra tout le monde à notre Potentat.

HÉLÈNE

Puisque votre vertu m'a tout à fait acquise,

Ma volonté doit être à la vôtre soumise.

FILIPIN