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Page:Scarron-oeuvres Tome 6-1786.djvu/242

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Ha ! Qui me vengera, peut espérer de moi [1515]

Ce que je puis donner.

FILIPIN

Ce ne sera pas moi.

HÉLÈNE

, à Dom Diègue.

Indigne de ton ordre, et du nom que tu portes,

Qui me vient outrager en tant, et tant de sortes.

Tu prétends te jouer avec impunité

D'une femme d'honneur, et de ma qualité ? [1520]

DOM DIÈGUE

Aboyer votre saoul, vous ne me pouvez mordre :

Vous vous êtes causé vous-même ce désordre ;

Vous m'avez abusé par un déguisement.

Celui de mon laquais entrepris justement,

Au lieu de vous fâcher, doit plutôt vous instruire, [1525]

Qu'il ne faut pas choisir tout ce qu'on voit reluire.

Sachez-moi donc bon gré d'un tour qui vous apprend

Qu'à tout esprit qui fourbe, à la fin on le rend :

Vous m'avez amusé de vos belles paroles,

Vous ne considériez en moi que les pistoles, [1530]

La pauvreté pour moi vous donna du mépris.

Parce que tous les chats durant la nuit sont gris,

À notre Filipin vous vous êtes soumise,

Vous m'avez pris pour dupe, un laquais vous a prise.

Le tour était bien lâche, et je vous l'ai rendu : [1535]

Mais gagner un laquais, ce n'est pas tout perdu.

HÉLÈNE

Ha ! Je me vengerai d'une pièce si rude.

DOM DIÈGUE

La vengeance n'est pas l'action d'une prude.

HÉLÈNE

Ha ! Seigneur Dom Juan, de grâce, vengez-moi :

C'est le prix où je mets mon amour, et ma foi. [1540]

DOM JUAN

Qui moi, vous épouser ? Vous, une intéressée

Que Mendoce a servie, et puis après laissée :

Parce qu'elle l'aimait seulement pour le bien,

Qu'un laquais a férue, et prise en moins de rien.