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Page:Scarron-oeuvres Tome 6-1786.djvu/246

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mère :

Puis il faudra baiser un fils, qui sentira

Le ventre de sa mère, et ce ventre puera.

Il me faudra souffrir une sotte nourrice,

Un enfant qui toujours, ou crie, ou tète, ou pisse, [1610]

Me relever la nuit, pour le faire bercer,

Et cela tous les ans, c'est à recommencer.

Avoir tous les matins à prier, quelle peine !

De me voir bientôt veuf par une mort soudaine.

Au lieu qu'ayant l'esprit content et satisfait, [1615]

Le front comme d'abord le bon Dieu me l'a fait :

Je vais, je viens, je dors, je ris, je bois, je mange,

Je fais ce que je veux, sans qu'on le trouve étrange ;

La chose est arrêtée, il n'y faut plus penser,

Si mes yeux t'ont fait mal, va te faire panser. [1620]

BÉATRIX

Il s'en veut aller, elle le retient.

Arrête, Filipin, que je te désabuse,

Moi, t'épouser, crois-tu que je sois assez buse

Pour mettre à mes côtés un pareil Damoiseau ?

Voyez le beau mari, voyez le bel oiseau,

Moi, qui suis de galants jour et nuit recherchée [1625]

De Bourgeois, Courtisans, Prélats, et gens d'épée,

Qui depuis quelques jours sans quelques ennemis,

Aurais eu pour époux un opulent commis ;

Qui viens de refuser le clerc ou secrétaire

D'un riche président : gros vilain, va te faire [1630]

Cent fois plus honnête homme, et lors j'aviserai,

Par pitié seulement, si je t'épouserai.

J'ai reçu depuis peu deux gros poulets d'un Comte,

Un Duc me couche en joue, et j'en fais peu de compte.

Un jeune abbé, qui n'est ni prêtre ni demi, [1635]

S'offre de m'épouser, ou d'être mon ami :

Il me fit l'autre jour don d'une porcelaine,

Et je t'épouserais ? C'est ta fièvre quartaine.

FILIPIN

Arrête, Béatrix, elle s'en va, ma foi,

Je devais bien aussi faire du quant à moi, [1640]

M'a-t-elle ainsi quitté par dépit ou par ruse ?

Foin, j'enrage d'avoir tout ce qu'on me refuse,

Mon Dieu, que l'on est sot, alors que l'on est beau !

Il faut que là-dessus je lui fasse un Rondeau.