Page:Scarron-oeuvres Tome 6-1786.djvu/253

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Opèrent moins pour vous, pauvre amoureux transi,

Que pour moi qui m'en ris, et bien d'autres aussi,

Si les réflexions qui sans cesse me viennent...

DOM FÉLIX

Ce faquin dit souvent des choses qui surprennent,

Tu devais seulement faire des questions, [105]

Et tu me fais ici des prédications.

N'importe, tu m'as pris en humeur de t'apprendre

Pourquoi de tous côtés je me laisse ainsi prendre.

Écoute ; mais surtout grande discrétion.

JODELET

J'écoute ; mais surtout nulle digression ; [110]

Je hais les longs discours.

DOM FÉLIX

Tu te veux faire battre,

Tu t'émancipes trop.

JODELET

Je n'en veux rien rabattre,

Je fais des questions, vous me l'avez permis.

Répondez donc, mon Maître, et soyons bons amis.

DOM FÉLIX

Cher ami, nous vivons trop à la familière. [115]

JODELET

Quand un valet sert bien, un valet ne craint guère :

Songez à me répondre, au lieu de contester.

DOM FÉLIX

Je n'y gagnerais rien, il le faut contenter.

Quand tu vois que d'amour, je soupire et je pleure,

Ne crois pas pour cela, cher ami, que j'en meure ; [120]

À toutes quelquefois tu penses que j'en veux,

Au diable si je suis de pas un amoureux :

Quand j'offre à des beaux yeux mon âme en sacrifice,

C'est moins par passion que j'aime, que par vice ;

Je deviens amoureux, et si je n'aime rien ; [125]

Lorsqu'on me traite mal, lorsqu'on me traite bien,

En l'un et l'autre état mon feu paraît extrême ;

Mais sais-tu bien pour qui je brûle ? Pour moi-même.

JODELET

Prétendez-vous, Monsieur,