Page:Scarron-oeuvres Tome 6-1786.djvu/280

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Elle a fait si beau bruit, que ma belle Lucie

Veux être là-dessus pleinement éclaircie.

Deux mille écus promis ont fait cesser ces bruits, [765]

Pour lesquels j'ai passé de très mauvaises nuits ;

Mais pourtant la cruelle est encor à se rendre ;

Et c'est ce que tantôt m'était venue apprendre

Une femme en secret, quand je vous ai quitté.

Vous m'avez pardonné cette incivilité ; [770]

Car vous savez assez qu'un homme quand il aime,

Est esclave, et n'est plus le maître de soi-même,

Cet avis n'était pas pour être négligé,

Me venant d'une main qui m'a tant obligé,

De la parfaite Hélène, une fille obligeante, [775]

Autant que quelquefois sa soeur est outrageante,

D'un esprit orgueilleux, d'un esprit contestant,

Mais avec ses défauts, que j'adore pourtant.

Si la douceur d'Hélène était communicable,

Ou si Lucie était d'un esprit plus traitable, [780]

Que je serais heureux, et que vous le serez

Avec cette beauté que vous épouserez,

Il n'en fut jamais une aussi sage en Tolède ;

C'est d'elle qu'en mon mal j'espère du remède ;

C'est d'elle que j'ai su, cher ami, que c'est vous [785]

Que depuis si longtemps elle attend pour Époux.

Au reste, sa vertu cède à votre mérite,

Quand on parle de vous, elle est toute interdite.

DOM DIÈGUE

Ne me cajolez point d'un si beau coup de trait,

Car je n'y visais pas alors que je l'ai fait. [790]

DOM FÉLIX

Quoi, vous repentez-vous d'une telle conquête ?

DOM DIÈGUE

Pour moi le mariage est une triste fête,

Et je serais fâché de voir pour notre amour

Périr une pauvrette, et dès le premier jour,

Je suis ici venu pour en faire une femme, [795]

Et non pour lui porter le désordre dans l'âme,

C'est vous, quand vous aimez, qui mettez tout en feu.

DOM FÉLIX

Lucie et ses dédains, le témoignent bien peu.

DOM DIÈGUE