Page:Scarron-oeuvres Tome 6-1786.djvu/313

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Et moi je vous promets, si je ne suis à vous,

Qu'aucun homme vivant ne sera mon Époux :

Car enfin Dom Diègue, il est vrai, je vous aime ; [1545]

Si vous m'aimez bien fort, je vous aime de même :

Je devrais témoigner plus de confusion

En vous faisant ici cette confession,

Que vous pouvez trouver étrange en une Fille.

Mais lorsqu'à quelque sotte un homme de Cour brille, [1550]

C'est avec tel effet, et si cruellement,

Que la pauvrette en perd souvent le jugement.

J'en suis, ô Dom Diègue, un assez bel exemple,

Puisque je feins d'avoir les douleurs dans la temple,

D'être tout à fait sourde, et qu'on me croit chez nous [1555]

Une folle, et cela tout pour l'amour de vous.

DOM DIÈGUE

Dieu ! Comment raillez-vous, ayant encor à craindre ?

Mais quels sont donc ces maux que vous venez de feindre ?

LUCIE

J'ai contrefait la sourde avec un tel effet,

Que j'en ai reculé mon Hymen trop tôt fait ; [1560]

Mais je ne vois plus goutte en ce péril extrême ;

Et ma Soeur qui me hait autant qu'elle vous aime,

Dit que mon mal de tête est un mal inventé,

Et que mon plus grand mal est ma méchanceté.

Mon Père qui ne sait à qui croire, en enrage ; [1565]

Dom Félix qui me croit bien malade, fait rage ;

De plaindre son malheur, d'une mourante voix,

Je me rirais d'eux tous, tout mon saoul, si j'osais,

Mais nous sommes encor assez loin du rivage,

Pour respecter les vents, et craindre le naufrage. [1570]

DOM DIÈGUE

Nous gagnerons le port, si nous avons du coeur ;

Des périls les plus grands le courage est vainqueur.

On vient à bout de tout alors qu'on s'évertue ;

Qui tremble, est le premier le plus souvent qu'on tue.

LUCIE

Et bien qu'inférez-vous de ces proverbes-là ? [1575]

DOM DIÈGUE

Qu'il faut ou découvrir à Pedro d'Avila,