Page:Scarron-oeuvres Tome 6-1786.djvu/407

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

AU ROI.


Sire,

Quelque Bel-Esprit, qui auroit aussi-bien que moi à dédier un Livre à VOTRE MAJESTÉ, diroit ici en beaux termes, que vous êtes le plus grand Roi du monde ; qu’à l’âge de quatorze ou quinze ans, vous êtes plus savant en l’art de régner qu’un Roi barbon ; que vous êtes le mieux fait des hommes, pour ne pas dire des Rois, qui sont en petit nombre ; et enfin que vous porterez vos armes jusques au Mont-Liban, et au-delà. Tout cela est beau à dire, mais je ne m’en servirai point ici, car cela s’en va sans dire ; je tâcherai seulement de persuader à VOTRE MAJESTÉ qu’Elle ne se feroit pas grand tort, si Elle me faisoit un peu de bien ; si Elle me faisoit un peu de bien, je serois plus gai que je ne suis ; si j’étois plus gai que je ne suis, je ferois des Comédies enjouées ; VOTRE MAJESTÉ en seroit divertie ; et si Elle en étoit divertie, son argent ne seroit pas perdu. Tout cela conclut si nécessairement, qu’il me semble que j’en serois persuadé, si j’étois aussi-bien un grand Roi que je ne suis qu’un pauvre malheureux , mais pourtant


DE VOTRE MAJESTÉ,

Le très-humble, très-obéissant
et très-fidéle sujet et serviteur,
Scarron.