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Page:Scarron-oeuvres Tome 6-1786.djvu/531

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Non qu'il me fasse peur ; mais le laisser en vie,

Ce me serait sans doute une grande infamie,

Si mon coeur généreux qu'elle a traité si mal

Ne respectait en elle un trop heureux rival, [945]

Et ce dernier service en une âme équitable,

Serait de tous les miens le plus considérable ;

Mais ingrate qu'elle est pour ne me devoir rien,

Dira qu'elle me hait, et qu'elle m'aime bien.

LÉONORE.

Oui, je le hais, je t'aime, ou plutôt je t'adore ; [950]

Mais toi cruel, tu hais la pauvre Léonore.

DOM-CARLOS.

C'est encore t'aimer que ne te pas haïr,

Toi qui m'as pu tromper, toi qui m'as pu trahir.

LÉONORE.

Ce reproche dernier m'achève, et te délivre

De l'objet odieux qui sans toi ne peut vivre. [955]

Je me meurs.

               Elle s'évanouit. 

DOM-LOUIS.

Elle tombe, hé prenez-la ma soeur.

Marine ?

MARINE.

C'en est fait.

DOM-CARLOS, à part.

J'en mourrais de douleur.

FLORE.

Portons-la dans ma chambre.

               On l'emporte. 

MARINE.

Elle respire encore

DOM-CARLOS.

Sauvons mon cher Cousin la vie à Léonore,

Si quelque humain remède est encore de saison [960]

Je la distingue encor d'avec sa trahison ;

Et si cet accident allait finir sa vie,

Sa mort serait bientôt de la mienne suivie.

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