Aller au contenu

Page:Scarron-oeuvres Tome 6-1786.djvu/544

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Cessez, si vous m'aimez, de songer davantage

À faire réussir un pareil mariage ;

Songez au déplaisir que me pourrait causer [1240]

La dure extrémité de vous rien refuser.

La rigueur de mon père à ma perte obstinée,

Pourrait bien me forcer à ce triste Hyménée ;

Mais par tant de moyens on trouve le trépas,

Que la peur d'un tel mal ne m'inquiète pas [1245]

La haine de Carlos toujours inexorable,

Est bien un plus grand mal et bien moins supportable ;

M'en guérir, c'est autant que me ressusciter ;

Mais mon malheur commence à ne se plus flatter

Des espoirs mal fondés, il sait trop la coutume, [1250]

De changer leur douceur en beaucoup d'amertume ;

Il a trop éprouvé combien leurs faux appas

Irritent les douleurs qu'ils n'adoucissent pas

FLORE.

Venez-vous dans ma chambre ?

LÉONORE.

Allez ma chère Dame ;

               Flore sort. 

Je vous suis, cher Carlos, Maître de mon âme, [1255]

Si d'un si tendre nom j'ose encore appeler,

Celui qui ne veut pas seulement me parler ;

Ouvre un moment ta porte, et vois ta Léonore,

Sans ta protection prête à périr encore ;

Une seconde fois tire-la du tombeau. [1260]

DOM-CARLOS, sortant de sa chambre.

As-tu fait contre moi quelque crime nouveau ?

Car c'est de nos destins la fatale ordonnance,

Que mon bras te protège, et que ton coeur m'offense.

LÉONORE.

De nos destins plutôt c'est la fatale loi.

Que tu ne m'aimes point, que je n'aime que toi. [1265]

DOM-CARLOS.

Est-ce là ce grand mal dont je te dois défendre ?

LÉONORE.

C'en est un bien plus grand, si tu daignes m'entendre.

{{personnage|DOM-