Page:Scarron-oeuvres Tome 6-1786.djvu/582

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AMINTAS.

   Avec vostre secours qui me peut resister?
   A quel hardy dessein ne me puis-je porter?
   Vous verrez abbatu l'orgueil qui vous outrage,
   Et vous me plaindrez mort ou loüerez mon courage,

SEBASTE.

   Avant qu'avoir vaincu vous triomphez, Seigneur,
   Je pardonne la fougue à vostre jeune ardeur:
   Mais si l'excez boüillant d'une amour non commune,
   Et le prix qu'un combat offre à vostre fortune,
   Enflamme à tel point vostre coeur amoureux,
   Qu'il ne peut differer ce combat dangereux,
   Celuy qu'on traitte icy de voleur, de Corsaire,
   Et qui se rend pourtant plus d'un Roy tributaire,
   Ne sera pas long-temps d'Amintas attendu,
   Seul dans une chaloupe en vos bords descendu,
   Il viendra contenter le desir qui vous presse,
   Et vous pourrez ainsi contenter la Princesse,
   Donnez vostre parolle, & fiez vous en moy,
   Que vous pourrez bien-tost vous battre avec mon Roy.

NICANOR.

   Quoy! la Cypre verroit une telle aventure?
   J'offenserois ainsi l'honneur, & la nature,
   J'exposerois un fils si vaillant & si cher,
   Au hazard d'un combat qu'on luy peut reprocher,
   D'un combat, dont la fin seroit tousiours honteuse,
   Quand mesme sa valleur pourroit la rendre heureuse;
   Dans mille occasions que le temps peut donner,
   Pour obtenir ELISE, & pour te couronner,
   Tu trouveras assez dequoy te satisfaire,
   Sans aller te commettre avecque ce Corsaire.

AMINTAS.

   Dira-t'on que vous seul ne m'ayez pas permis,
   De vaincre le plus grand de tous vos ennemis,
   De meriter la Cipre, à ma valeur promise,
   Et bien plus que la Cipre, une divine ELISE,
   Sans qui je ne puis vivre, & sans qui mon trépas,
   Que vous redoutez tant, dependra de mon bras?
   Car enfin, la perdant, je n'escouteray guere,
   Ni les sages conseils, ni les ordres d