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Page:Scarron - Le Virgile travesti, 1889.djvu/102

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Ses bras faisaient de vains efforts
A déprendre ces sales corps
Joints au sien par plusieurs ceintures
Plus cruelles que des tortures :
Mais ils le tenaient si serré
Que le pauvre désespéré,
Voyant qu’il n’y pouvait rien faire,
Se mit à pleurer, puis à braire.
Il s’en acquitta dignement :
Ainsi mugit horriblement
Le bœuf, à qui la main du prêtre,
Qui n’est qu’un maladroit peut-être,
Ne donne, au lieu d’un trépas prompt,
Qu’un coup qui la corne lui rompt,
Ou bien lui fait bosse à la tête,
Ce qui trouble toute la fête.
A ce spectacle plein d’horreur
Tout le monde s’enfuit de peur ;
Jusqu’en la ville aucuns coururent.
Ayant fait tout ce qu’il voulurent,
Les deux serpents au ventre vert,
De sang et de venin couvert,
A demi mort ils le laissèrent,
Et devers la ville marchèrent,
Tête levée, et triomphant
Du pauvre homme et de ses enfants.
Tout le monde leur fit passage,
Et personne n’eut le courage
De les attaquer en chemin,
Tant on respecta leur venin !
Etant arrivés dans la ville,
Minerve leur servit d’asile,
Et dans son temple le reçut,
Dont grande frayeur l’on conçut.
Chacun disait : Le misérable
A fait un acte détestable,
En offensant ce grand cheval,
Que Dieu veuille garder de mal !
Il faut, avec cérémonie,
Réparer cette félonie,