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Page:Scarron - Le Virgile travesti, 1889.djvu/105

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Ou pour le moins s’en faut bien peu.
Cela fit aux Grégeois beau jeu.
Favorisés de ses ténèbres,
Faisant sur nous desseins funèbres,
Et le vent leur soufflant au dos,
Ils partirent de Ténédos.
Une grosse torche allumée
Eclairait à toute l’armée,
Et devait aussi ce fanal
Servir à Sinon de signal.
Ils s’en vinrent à la sourdine,
Sans tambour, flûte ni buccine,
Aborder près de la cité,
Où l’on dormait en sûreté,
Après avoir bien fait gambade,
Sans se défier de l’aubade
Que donna le traître ennemi
Au peuple troyen endormi.
Nos citoyens, remplis de joie
De la délivrance de Troie,
Ayant bu plus qu’ils n’avaient dû,
Cuvaient le vin qu’ils avaient bu.
Nos sentinelles endormies,
Sans peur des troupes ennemies,
Ayant mangé comme pourceaux,
Et vidé tripes et boyaux,
Dormaient le long de nos murailles,
Et ces mal soigneuses canailles
Reçurent la mort à clos yeux ;
Mais ils n’en dormirent que mieux
D’une nuit qui fut éternelle,
Pour avoir mal fait sentinelle,
Et je crois vraisemblablement
Qu’ils n’ont su par qui, ni comment.
Tout ronflait, et de bonne sorte ;
Sinon seul, que le diable emporte !
Tandis que chacun sommeillait,
Pour notre grand malheur veillait,
Et tirait hors de la machine,
Dont il avait ouvert l’échine,