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Page:Scarron - Le Virgile travesti, 1889.djvu/124

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D’un côté vient le grand Ajax,
Fier comme le milord Fairfax ;
De l’autre côté les Atrides
Et les Dolopes homicides.
Nous frappons sur eux, eux sur nous,
Nous nous entr’assommons de coups.
La chose est fort peu différente
Du fracas de quelque tourmente,
Lorsque tous les vents déchaînés,
Et l’un contre l’autre acharnés,
S’entre-font sur mer et sur terre,
En soufflant, une rude guerre ;
Sur mer font danser les vaisseaux,
Sur terre tomber les chapeaux.
Dieu sait s’ils enflent bien les joues,
Et s’ils font de plaisantes moues.
Ils ont pour clairons enroués
Le bruit des arbres secoués.
Cependant l’humide Nérée
Court partout, la face effarée
De voir tout son pays salé
Par ces chiens de vents boursouflé.
Les vents Eure, Note et Zéphyre
S’ébouffent, mais non pas de rire,
Oui bien à force de souffler,
Ce qui fait leurs gifles enfler.
Autres vents dont les noms j’ignore
(Car je sais qu’il en est encore,
Outre ceux que j’ai pu nommer,
Plus de vingt sur terre et sur mer),
Tantôt à force de soufflades,
Le gagnent sur leurs camarades,
Et tantôt sont d’eux ressoufflés,
Lâchant le pied fort essoufflés.
Tout de même nous tous ensemble,
Grégeois et Troyens, ce me semble,
Poussant, et puis étant poussés,
Blessant, et puis étant blessés,
Et faisant à l’envi carnage,
Ressemblons fort bien à l’orage