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Page:Scarron - Le Virgile travesti, 1889.djvu/143

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Les grands palais tomber à bas,
Et n’être plus que des plâtras.
Il en est tout ainsi d’un orme,
Beau pour sa taille et pour sa forme,
Lorsqu’étant par le pied sapé ;
Et longtemps coup sur coup frappé,
Il branle sa perruque verte,
Signe de sa prochaine perte ;
Son gros tronc se fend par éclats ;
Un cri semblable à des hélas
Accompagne sa culebute ;
Il hésite devant sa chute,
Examinant de quel côté
Son grand corps sera mieux gîté,
Enfin il tombe sur les hanches,
Se cassant les bras ou les branches.
Ainsi notre pauvre cité,
Après avoir longtemps été
Des cités la plus renommée,
Est comme en soi-même abîmée.
Or, moi, voyant que tout de bon
Elle était réduite en charbon,
Et que ma mère était partie,
Je crus que quitter la partie,
En un malheur tout évident,
Etait faire en homme prudent.
Sans recevoir aucun dommage,
Je passai, couvert d’un nuage,
Au travers des feux allumés
Et de nos ennemis armés.
A mon logis je frappe en maître :
On me cria par la fenêtre
Que l’on n’ouvrait jamais la nuit,
Et que je faisais trop de bruit ;
Et moi, je refrappe et refrappe,
Et, las de cogner, je m’échappe
A dire des mots outrageants :
Ma femme, mon fils et mes gens
Tout mon soûl me laissèrent battre,
Et par frayeur, ou pour s’ébattre,