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Page:Scarron - Le Virgile travesti, 1889.djvu/148

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Nous reniflâmes à l’envi,
Car ce tonnerre fut suivi
De certaine odeur sulfurée ;
Puis la maison fut éclairée
D’un feu luisant comme un tison
Qu’on vit sur ladite maison.
Ce phare, ou plutôt cette étoile,
Alla tout droit, perçant le voile
De cette triste et noire nuit,
Et Dieu sait si mon oeil la suit,
Dans la forêt d’Ida se rendre.
Il nous fut aisé de comprendre
Que c’était un secours divin,
Car par elle, dans son chemin,
Comme bien sage et bien sensée,
Trace luisante fut laissée.
Lors mon père, tout ébaudi,
Cria : "Mon fils, je m’en dédis ;
Me voilà très content de vivre,
Et très résolu de vous suivre
En quelque part que vous irez,
Et partirai quand vous voudrez,
Afin que personne n’en doute,
Malgré mon incommode goutte."
Puis il fit génuflexion
Et dit avec dévotion :
"O bon Dieu, qui nous prends en garde,
Que ton oeil toujours nous regarde,
Et prends soin de notre maison ! "
Après cette courte oraison
Je lui dis : "Homme qui refuse,
Ordinairement après muse
Vous faisiez tantôt bien le fou.
Çà, çà, mettez-vous sur mon cou,
Comme on dit, à la chèvre morte,
Et que chacun de nous emporte
Sur son dos tout ce qu’il pourra.
Mon fils par la main me tiendra,
Et ma femme par le derrière ;
Et que valet et chambrière